A noter: les affiliations et situations des intervenants sont indiquées tels qu'elles furent informées en 2013.
Table des matières
- Arts, Cultures, Musées dans/sur le Pacifique
- Le changement social dans le Pacifique :urbanisation, alimentation et santé
- Circulations et échanges en Océanie
- Développements économiques et cultures locales dans le Pacifique
- Dynamiques culturelles des diasporas dans le Pacifique sud
- Genre, personne, corps et parenté
- Histoire et anthropologie des relations entre christianisme et cultures océaniennes
- L’intégration régionale autour des trois entités françaises
- Linguistique et interdisciplinarité : ce qu’apporte l’étude des langues
- Nouveaux défis environnementaux et gouvernance dans le Pacifique
- Les passerelles culturelles, faits et idéologies
- Patrimoines et patrimonialisations
- Se dire en images aujourd’hui en Océanie
Arts, Cultures, Musées dans/sur le Pacifique
Monique Jeudy-Ballini et Alain Nicolas
L'atelier Arts,cultures, musées portera sur l'articulation entre ces trois aspects. Plusieursproblématiques seront traitées et ouvertes à la discussion :
- Que veut-on montrer dans les musées ?
- En quoi les "objets d'art" sont-ils représentatifs d'uneculture ?
- Qu'est-ce-qui est montré aux visiteurs des musées ?
- Que faire de l'interdiction d'exposer certains objets sacrés ?
- Les musées occidentaux face aux demandes de restitution partielle despatrimoines culturels non-occidentaux.
Peut-on parler d’arts et de styles austronésiens ?
Alain NICOLAS
Conseiller Régional
Suite à l'exposition « Art Papou »(Marseille 2000), nous avions tenté d’établir un lien entre langues et styleset avions présenté les objets d’art en deux catégories : d'un côté les objetsissus de locuteurs papous, de l’autre ceux produits par des locuteursaustronésiens. Il était nettement apparu des parentés stylistiques dans chacundes deux groupes.
Nous avons élargi cette approche à tout lePacifique et constaté que des familles stylistiques peuvent être identifiéesparmi les groupes austronésiens, avec des styles clairement apparentés, enrapport avec les familles de langues austronésiennes. L’idée est donc dedévelopper les résultats de ce travail et de les discuter, images à l’appui.
Comment lire la forme écrite dela littérature orale ? Mythologiesgilbertaises (Tabiteuea, Kiribati)
Guigone CAMUS
EHESS, Doctorante
Des résultats de recherches en archives(Hawai’i) et d’enquêtes de terrain (Tabiteuea, Kiribati) nous permettront deproposer certains modes d’approche et de présentation de la littérature oralegilbertaise sous sa forme écrite. L’étude d’un cas particulier de mythe defondation du nord de l’atoll de Tabiteuea montrera quels peuvent être lesdifférents niveaux de lecture ainsi que les limites de l’interprétation d’untexte ancien. Nous questionnerons le statut d’objet-parlant du récit écrit, etson appartenance à la culture.
Prosopographies muséales dansle Pacifique Sud
Fanny PASCUAL
Université de Nouvelle-Calédonie,Maître de Conférences, Histoire contemporaine, Centres des Nouvelles Etudes sur le Pacifique (CNEP)
D’où viennent les musées « nationaux » duPacifique Sud ? Cette question est une amorce essentielle pour lesdéfinir. Car pour comprendre les musées, il faut en faire leur historique,retrouver leur origine : cabinet de curiosité né du début de la colonisation enNouvelle-Calédonie ou nouveaux musées de la fin du XXe siècle en quête deréconciliation nationale en Australie. Nous proposons de faire une étude «biographique » comparée des musées suivants :
1. Musée de Tahiti et ses Iles,(Papeete)
2. Musée de Nouvelle-Calédonie(Nouméa)
3. Te Papa Museum (Wellington)
4. National Museum of Australia(Canberra)
5. Museum of Fidji (Suva).
Après une enquête inspirée d’étude prosopographique, nous comparerons leur parcours.
Quelques requêtesquestionnées :
- Date de création, contexte, lieu,bâtiment (l’architecture étant la première image que le musée véhicule)
- Personne(s) physique(s) oumorale(s) à l’origine de la création
- Origine et nature de la collection
- Organigramme originel (directionet conservation)
- Fonds et financements
Modification des statuts et des discours
Chaque musée est la vitrine d’une identité.Ici les musées nationaux dévoilent comment ils exposent leur territoire, leurpeuple, leur histoire, leur culture. Ne pouvant rentrer dans une analysedétaillée de la muséographie, les origines du musée nous fournissent déjà lesinformations essentielles sur la « programmation génétique », la « matrice » deces entreprises muséales.
Le musée à ciel ouvert des peintres de rue de Port Moresby
René ZIMMER
Université de laNouvelle-Calédonie, Professeur agrégé d’anglais, Docteur en Littératureaméricaine
Le trottoir en face de l’Holiday Inn de PortMoresby est le haut lieu d’exposition des peintres de rue Chimbu. Quelquescentaines de toiles flottant au vent affichent les désirs et les tourments deces artistes peu formatés proposant au jour le jour un panoramique de leurvision de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les toiles font l’apologie de lacoutume tout en en exprimant les limites. Elles commentent le moment présent,illustrant le statut du chef, de la mère ou du mineur d’or ; elles représententdes scènes de la vie quotidienne, des récoltes, de la pêche, de la chasse et del’amour et mettent en scène les conflits familiaux et tribaux ainsi quecertains évènements historiques. Les toiles du Trottoir se nourrissent dubestiaire, des contes, de la magie et constituent un grand livre d’imagesreflétant les émois des Papous dans un monde en profonde mutation.
Il s’agit d’un véritable musée d’artcontemporain ouvert aux quatre vents, lieu d’échanges privilégiés, fermentactif de la nation toute entière et véritable bouillon de culture.
Ma communication, abondamment illustrée,visera à montrer la puissance de cet outil interactif en termes pédagogiques,culturels, artistiques et sociétaux car, au travers de ces œuvres aux tonsvifs, toute la nation peut lire son histoire, apprécier ses déboires, mesurerson évolution et se contempler. Cette bande de terre battue constitue unematrice prolifique où, entre duplication et création, se décline toutel’expression de l’âme papoue et au sein de laquelle l’art contemporain vit sesheures les plus vraies.
L’exposition « E Tu Ake » (Maori debout) à Wellington, Paris et Québec. Affirmation culturelle etpolitiques de l’art, comparaison entre trois contextes muséaux
Gaëlle CRENN
Université de Lorraine, Maître deConférences, Sciences de l’information et de la communication
Mélanie ROUSTAN
Docteur en sciences sociales,Chercheur indépendant
L’exposition « E Tu Ake » (Maori debout) aété conçue par le Te Papa museum de Wellington, en Nouvelle-Zélande. Elle aensuite été présentée en 2011 au musée du quai Branly, à Paris, et en 2013 aumusée de la Civilisation de Québec. Dans ces trois contextes, nous avons étudiél’exposition, et tout particulièrement sa scénographie, et mené une doubleenquête de terrain : auprès des équipes des institutions et auprès desvisiteurs. Nous nous proposons de présenter et de discuter quelques élémentsissus de cette recherche comparative (menée en coopération avec Lee Davidson,de l’université de Wellington, et Natacha Gagné, de l’université de Laval àQuébec).
L’exposition « E Tu Ake » se veut unautoportrait des Maori. Elle articule la présentation d’artefacts anciens etcontemporains à un propos centré sur la persistance culturelle, l’affirmationidentitaire et les revendications politiques. Si les objets et le découpageconceptuel de l’exposition demeuraient inchangés entre Wellington, Paris etQuébec, les scénographies étaient fort différentes – et, bien entendu,les contextes institutionnels autant que le cadre de la réception. Quels objetsont été choisis pour représenter la culture maori ? Lesquels sont identifiéscomme « objets d’art » ? Quelle place l’art tient-il dans le discours tenu parl’exposition sur la vitalité de la culture Maori ? Quels sont les liens opérésentre art et sacralité, entre art et politique ? Quels points communs etdifférences observe-t-on entre les trois contextes, néo-zélandais, français etquébécois ?
Musées et circulations : construire et mettre en scène des relations dans l’espace d’exposition
Alice CHRISTOPHE
University of East Anglia, Doctorante, Sainsbury Research Unit for the Arts of Africa, Oceania and the Americas
Souvent décrits comme des « zones decontacts », les musées, et plus spécifiquement les musées du Pacifique,s’imposent aujourd’hui comme des espaces facilitant les échangesinterculturels. Par leur capacité à réunir dans un même lieu biens etpersonnes, matériel et immatériel, mais aussi traditions et modernités, cesmusées participent activement à la dynamisation des phénomènes alternés decirculation et de rétention de ces divers éléments.
Cet exposé – basé sur une recherche deterrain effectuée au Berenice Pauahi Bishop Museum (Honolulu, Hawaii) –propose de faire la lumière sur un certain nombre de ces dynamiquescontemporaines dont le Musée est à la fois le vecteur et le catalyseur. Il seconcentrera sur l’étude d’un espace d’exposition en particulier, le PacificHall, dont la réouverture est annoncée pour Septembre 2013. Cette galerie seraanalysée à la manière d’un espace de représentation, d’une scène, dont larénovation stimule la circulation de biens et de personnes mais permet aussi deproduire une image de ces circulations.
Le rôle de l’espace d’exposition est icientrevu comme double. Dans sa phase de construction, il semble être unvéritable pôle d’attraction vers lequel convergent les regards mais aussi lesartistes, les œuvres, et l’ensemble des savoirs et des pratiques qui leur sontassociés. Ces relations multiples sont révélées au moment de l’ouverture. Lagalerie est alors donnée à voir comme le produit de ces interactions. Elledevient une image, un instantané de l’ensemble de ces flux, qui prend à témoinles œuvres exposées ainsi que les supports muséographiques qui lesaccompagnent. Dans ce contexte, certains artefacts – évoquant le plus souventles thèmes du voyage et de la rencontre – deviennent les principauxprotagonistes de cette mise en scène. Elevés au rang d’emblèmes de cettereprésentation, ils se font les supports de nouveaux échanges.
L’altérité au risque de lamuséification. A propos d’une polémique autour du musée du quai Branly
Monique JEUDY-BALLINI
CNRS, Laboratoire d’anthropologie sociale, Collège de France
Dans certaines sociétés de Mélanésie,l’apparition publique des objets rituels relève d’une performance visant àproduire de puissants effets émotionnels et sensoriels chez les spectateurs.Les problèmes posés par la muséification de tels objets peuvent-ils êtrerésolus grâce au seul effort de contextualisation scénographique ? Je traiteraide cette question en revenant sur une polémique qui, à l’occasion de lacréation du musée du quai Branly, contribua à répandre l’idée réductrice d'uneopposition entre un prétendu mode de présentation ethnographique et un supposéparti pris esthétisant.
Le changement social dans le Pacifique : urbanisation, alimentation et santé
Christine Jourdan et Christophe Serra Mallol
Les sociétés insulaires du Pacifique ontsubi de profondes mutations au cours du vingtième siècle, notamment dans sadeuxième moitié. Ces changements souvent subis ont été relativement bienétudiés, qu’il s’agisse de l’impact sur les modes de vie traditionnels, lesformes d’habitat, l’alimentation et les circuits d’échange, ou encore la santédes populations.
Depuis une vingtaine d’années, un phénomènede globalisation s’est produit à l’échelle mondiale, issu des flux depersonnes, de capitaux et d’idées, du fait à la fois des migrations internes ouexternes, et de la généralisation de nouvelles technologies de l’information etde la communication. Ce phénomène a précipité simultanément un doublemouvement, entre influences globales et influences locales, qui a égalementtouché les sociétés océaniennes.
Quels sont aujourd’hui les différents lieuxde lecture de ce phénomène, mêlant global et local, sur les modes de vie despopulations océaniennes ? Comment l’urbanisation croissante, notamment parmigrations internes, a rendu possibles ces changements ? Quelles en sont lesconséquences sur le fait alimentaire océanien, entendu au sens large de modèleet d’espace social alimentaires, depuis le choix des aliments, leurdisponibilité, leur préparation et leur consommation ? En quoi ces évolutionsont-elles eu des conséquences sur la santé des populations, qu’il s’agisse demaladies liées à l’alimentation et au mode de vie (obésité, diabète, maladiescardio-vasculaires…), ou de phénomènes pathologiques non liés à l’alimentation(VIH, dengue, violences familiales, suicide…) ?
Les questions précédentes pourront êtretraitées sous différents angles dans les communications proposées, en scienceshumaines et sociales (sociologie, anthropologie, psychologie, géographie…) ounon (nutrition, médecine…), ou à travers un dialogue interdisciplinaire.
Ouverture
Christine JOURDAN
Université Concordia, Professeur
Un aller simple pour la ville ? Mobilités, urbanisation et développement en Nouvelle-Calédonie
Gilles PESTANA
Université de la Nouvelle-Calédonie, Maître de conférences, géographie, EA CNEP (Centre des NouvellesEtudes sur le Pacifique)
Pierre-Christophe PANTZ
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Doctorant, UMR PRODIG (Pôle de Recherche pour l’Organisationet la Diffusion de l’Information Géographique)
Cette contribution propose une réflexion surl’impact des mobilités en Nouvelle-Calédonie, sur l’urbanisation d’une part etsur le développement économique de la Brousse d’autre part (le « Rééquilibrage» du point de vue économique).
Depuis plusieurs décennies maintenant, lathématique de l’exode rural comme clé d’analyse de ces mobilités et de lacroissance urbaine demeure largement reprise, par différents acteurs et dansdifférents documents officiels, sans véritable analyse.
Le premier objectif de cette interventionvise à apprécier la part que constituent les « migrations internes » dans lacroissance urbaine du Grand Nouméa. Puis, il s’agira d’interroger la validitéde l’argument « migratoire » dans le débat sur l’éventuelle modification de laclé de répartition entre les provinces. Enfin, la contribution visera à revenirsur l’objectif de « fixation » des populations en provinces Nord et Îles et surles relations entre développement et mobilités.
« There was no other way » : legang maori Black Power au Tribunal de Waitangi
Grégory ALBISSON
Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, Maître de conférences
Divers courants analytiques expliquent lesorigines du gang maori. Néanmoins, ils se rejoignent tous sur son point dedépart. Criminologues, politiciens, sociologues et historiens de tous bords etde toutes écoles se sont toujours accordés à attribuer l’émergence du phénomèneà l’exode rural néo-zélandais qui a suivi la seconde guerre mondiale. En 1945,près de 75% de la population maori vivait encore dans un milieu ruraltraditionnel, en 1996 plus de 81% occupait les centres urbains du pays. LesMaori firent rapidement partie des ethnies les plus urbanisées au monde. Cebouleversement s’est accompagné de la prolétarisation, voire de lasous-prolétarisation, des Maori qui, en plus d’entraîner des conditionsmatérielles d’existence déplorables laminait les structurales tribalesgarantissant la stabilité du réseau socio-symbolique maori. Toutes lesconditions résolument nécessaires à l’apparition des gangs semblaient réunieset comme les membres fondateurs du gang l’explique aujourd’hui : « There was noother way ».
L’émergence et l’institutionnalisation degangs coupables de violences et de crimes fait tache dans l’édifice socialnéo-zélandais (longtemps jugés par ses représentants comme le pays ayant « lesmeilleurs relations interraciales au monde »), et pire encore quand cette «tache », se présente au Tribunal de Waitangi, forum sacré de la réconciliationentre la Nouvelle-Zélande européenne et maori, pour faire constater au paystout entier que la paternité des gangs incombe à ce même édifice, qu’elle neconstitue pas un excès, mais qu’elle découle précisément de cette structure sielle n’en est pas la vérité refoulée.
Cette communication analysera comment legang maori, véritable effet de l’urbanisation des Maori, est apparu pourproduire du sens, là où les institutions européennes n’en avaient pas ets’interrogera sur les enjeux de la plainte du gang Black Power au Tribunal deWaitangi : la reconnaissance publique du libre-arbitre de ses membres écrasépar leur statut d’opprimé ou la négation officielle de ce minimum d’autonomiequi permet à l’individu d’accepter, ou de refuser le gang. Dans le premier cas,on acquitte le membre de gang pour le condamner une nouvelle fois enl’enchaînant aux déterminismes sociaux. Dans le deuxième, son autonomie lui estrestituée mais la condamnation « morale » s’en voit nettement encouragée.
Sexualité, TIC et moralité enmilieu urbain au Vanuatu
Alice SERVY
EHESS, Doctorante, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308) et Bergen Pacific Studies (BPS) Research Group
A Port-Vila, capitale du Vanuatu, cohabitentdes migrants arrivés en ville il y a seulement quelques mois ou présents depuisplusieurs dizaines d’années, ainsi que leurs enfants voire petits etarrière-petits-enfants nés sur place. Ces personnes viennent non seulementchercher un emploi, mais aussi continuer leurs études, visiter leurs proches,bénéficier des services de santé ou profiter des activités et des facilités dela ville. Les concerts, les boîtes de nuit, la télévision, Internet,l’observation des touristes étrangers, les grandes surfaces, l’électricité, lestransports collectifs séduisent bon nombre d’habitants du Vanuatu. Lesrésidents de Port-Vila ne sont donc pas isolés de la culture mondiale dont lesflux d’images sont apportés par différents moyens d’information et decommunication (Mitchell 2003).
La notion de Technologies de l’Informationet de la Communication (TIC) recouvre une réalité multiple. Diverses méthodespeuvent être utilisées pour faciliter la communication ou pour transmettre uneinformation : des livres aux derniers Smartphones, en passant par les pièces dethéâtre, le Fax ou l’aviation. Dans l’impossibilité de rendre compte del’ensemble des phénomènes liés au développement des TIC au Vanuatu, j’ai choisiici de m’intéresser aux moyens de communication et d’information électroniquesles plus récemment introduits dans l’archipel. Dans un contexte de forteprévalence des Infections Sexuellement Transmissibles (IST), je vais tenter desaisir l’articulation entre le développement de la téléphonie mobile,d’Internet et de la télévision à Port-Vila et la modification de certainesidées et pratiques autour de la sexualité. Après avoir abordé l’arrivée de cestrois moyens d’information et de communication au Vanuatu, j’analyserai leurinfluence sur les idées et pratiques sexuelles (mariage fondé sur l’amour,nouveaux fantasmes sexuels, implants péniens, flirts téléphoniques, visionnaged’images pornographiques), avant de conclure en évoquant la « panique morale »que ces nouveaux moyens de communication engendrent.
La maladie de la dengue àNouméa et à Papeete
Marie-José SCHMIDT-EHRMANN
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Doctorante en géographie, Espaces, nature, culture (ENeC, UMR 8185 CNRS-Paris 4)
Les épidémies de dengue dans le PacifiqueSud sont plus fréquentes depuis deux décennies et elles gagnent du terrain àl’échelle mondiale. En Nouvelle-Calédonie et à Tahiti, ce risque sanitaire en2008-2009 a concerné surtout les villes et agglomérations de Nouméa et dePapeete où se concentre plus de 75% de la population. En l’absence d’un vaccinqui est prévu pour 2015, les habitants sont encouragés par les pouvoirs publicsà adopter des comportements de prévention pour se protéger de ce risque. Lapopulation des moins de 15 ans, qui est plus vulnérable aux complicationshémorragiques, compte le plus grand nombre de décès. Aussi, dès le primaire,les élèves sont informés par des experts de la santé et ils participent defaçon ludique par le dessin à repérer des gîtes à larves et se rendent sur leterrain. Le relais est complété dans les programmes scolaires du secondaire,notamment en géographie, et dans les manifestations extrascolaires deux foisdans l’année ainsi que par des images et textes de prévention relatés dans desaffiches, des feuillets, qui sont à la disposition de tous les habitants dansles lieux publics. Lors de l’épidémie de 2008-2009, les élèves ont été informéspar les médias, et les autorités sanitaires, ils ont surtout eu accès dansleurs établissements aux affiches, qui sont exposées sous le préau ou sur lesvitres de l’infirmerie scolaire, et aux imprimés qui ont été mis à leurdisposition. Les images dans ces documents sont des personnes et desconstructions de l’espace. Ces derniers sont des lieux de vie qui sont proposésvu du sol, ou plus rarement en vue aérienne. Ces espaces géographiques sont :une rue, un jardin public, une maison avec et sans le jardin, une chambre, uncabinet médical, un paysage littoral (….). Les textes sont des discoursstructurés en quelques phrases, et souvent composés de quelques mots"Danger ; Dengue ; Pas d’Aedes aegypti, Pas de dengue !". Notreregard se porte sur la comparaison de l’analyse des discours dans différentesbrochures, affiches. Elle est complétée par une enquête qui vise à identifierles savoirs des élèves de collège et de lycée. Notre démarche tente de traduired’une part l’intérêt du discours diffusé dans ces feuillets auprès des élèveset d’autre part si l’apprentissage d’un comportement adapté face à la maladiede la dengue relève davantage d’autres facteurs.
La structure familiale àl’épreuve de la modernité : le cas du suicide à Tahiti, Polynésie française
Yasmina TAEREA
EHESS, Doctorante, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
En Polynésie française, si la majorité dessuicides a lieu sur l’île de Tahiti, les communes les plus urbanisées tellesque Papeete, Fa’a’a ou encore Punaauia sont les plus touchées. En revanche, sion s’intéresse aux raisons du passage à l’acte suicidaire, on remarque qu’ellessont similaires que l’on vive dans la capitale administrative de Papeete ou dansune commune rurale, à Hitia’a o te ra. Devant ce constat se pose la questiond’une certaine rigidité voire opacité des sensibilités affectives, des penséesou encore des modes de vie des suicidants, suicidés polynésiens et leursproches face à la « modernité ». Cet état de fait s’expliquerait-il par l’étudede la structure familiale et son organisation ?
C’est au travers d’une anthropologied’influence psychologique et phénoménologique et à partir de l’enquêteépidémiologique « Suicide Trends in At-Risk Territories » en Polynésiefrançaise et des autopsies psychologiques du Tribunal de Première Instance dePapeete que nous tenterons d’étayer cette hypothèse.
Disette et abondancealimentaire : regard sur le contact et l’introduction d’un nouveau modèle alimentaireà Rapa Nui (1864-1953)
F. RAMIREZ
Academia de Humanismo Cristiano, Santiago-Chile
B. ESCOBAR
Lindoro Forteza 2455, La Unión,Uruguay
Andrea SEELENFREUND
Academia de Humanismo Cristiano, Santiago-Chile, Professeur
A Rapa Nui la question de l’alimentation n’apas été étudiée en profondeur. Dans notre recherche nous avons observé unprocessus continu d’introduction d’éléments externes, la transformation deshabitudes internes, ainsi que la fusion des deux. Dans cet exposé, nouspostulons que la dichotomie entre la disette et l’abondance de nourrituresconstitue un axe conceptuel qui nous permet de mieux répondre à la question del’alimentation comme processus social dans l’histoire de Rapa Nui.
Actuellement, la dualité du manque et del’abondance de nourritures est affichée comme une partie fondamentale del’ordre culturel rapanui. Cette dualité s’est construite à travers l’histoirede la colonisation de Rapa Nui, qui a fait l’objet d’un processus continud’introduction et de réinvention de nouveaux modèles culturels, lisibles àl’île de Pâques en matière alimentaire et de ses manifestations culturelles.
Les données ethnographiques et d’archivesnous ont permis de saisir la relation subtile qui a été construite entrecolonisateurs occidentaux et la communauté rapanui, et qui fonctionne selon lesprincipes polynésiens de réciprocité et d’obligation. Nous posons que lescolons ont été activement intégrés aux réseaux d’échanges, ainsi qu’auxmodalités de la réciprocité et de ses obligations, mais avec des degrés deconscience différents de leur part.
Dans cet exposé, nous posons que la notionde manque est un concept occidental qui a été introduit progressivement, maisavec plus d’intensité depuis l’arrivée des missionnaires puis parl’administration de la Compagnie chilienne d’Exploitation de bétail de l’île dePâques. D’autre part, nous pensons que le concept d’abondance étroitementassocié aux rituels pour assurer la fertilité humaine et naturelle est à labase de la pensée polynésienne en général, et de Rapa Nui en particulier, etdoit être compris dans ce cadre. Ceci est observé dans la société Rapanui àtravers les mécanismes de redistribution, la réciprocité et une forme de cultedu cargo.
Fermeture
Christophe SERRA MALLOL
Université de Toulouse II, Maîtrede Conférences
Circulations et échanges en Océanie
Sophie Chave-Dartoen, Denis Monnerie,
Sophie Caillon et Caroline Roullier
L’importance des circulations dans ledéveloppement et la vie des sociétés océaniennes n’est plus à démontrer : del’émergence, puis de la diffusion des populations austronésiennes et de laculture Lapita aux systèmes d’échanges contemporains extrêmement complexesincluant désormais les diaspora émigrées aux quatre coins du monde, lescirculations et les échanges de biens matériels et de personnes, de mots et desavoirs, ou encore de valeurs ou d’idées (relatives à la religion, lapolitique, la tradition ou encore la culture...) constituent un angle decomparaison et d’analyse approprié à l’étude des sociétés de cette région et deleur histoire.
Ce panel propose aux archéologues,historiens, économistes, ethnologues et autres spécialistes du Pacifique de faireun bilan sur les travaux récents concernant ces questions. Il vise undécloisonnement de la réflexion sur les circulations (circulations matérielles /immatérielles ; migration / peuplement ; échanges cérémoniels / courants /culturels/ commerciaux...). Il offre de croiser les approches disciplinairesafin d’approfondir notre compréhension de phénomènes particulièrementcaractéristiques des sociétés océaniennes où les circulations connaissentdiverses modalités et apparaissent particulièrement plurielles, complexes,réticulaires, mais aussi connectées voire intriquées...
Des approches permettant un dialoguedisciplinaire ou des ouvertures transdisciplinaires sont bienvenues, que cesoit celles articulant des circulations de différents ordres, notamment cellesde biens (matériels et immatériels) et de personnes, ou celles articulantplusieurs disciplines.
A. Circulation des Hommes et des Plantes
Introduction : La biologieévolutive et la génétique éclairent l’histoire commune des Hommes et desplantes cultivées d’Océanie
Jean-Pierre LABOUISSE
CIRAD, UMR AGAP, Montpellier
Caroline ROULLIER
CNRS, UMR CEFE, Montpellier
L’espace océanien a connu depuis plus de 40000 ans des vagues successives de migrations et de peuplement qui ont modeléprogressivement l’identité et la diversité culturelle de ce continent. Al’exception notable du cocotier, l’agriculture s’y caractérise parl’utilisation presque exclusive d’espèces à multiplication végétative. Lesplantes alimentaires comme le taro, l’igname, la canne à sucre, le bananier, lekava, et l’arbre à pain sont multipliées par boutures ou fragments de racines et detubercules, souvent plus volumineux et périssables que les graines. En outre,le caractère fragmenté de l’espace et l’isolement des îles diminuent lespossibilités de dispersion naturelle. Cet état d’isolement et la nature clonaledu matériel végétal transporté font que la dispersion des plantes cultivées aété et est encore étroitement dépendante des déplacements des Hommes.
L’histoire de la dispersion des plantescultivées par les populations humaines a des conséquences importantes sur ladistribution de la diversité de ces plantes. En effet, la multiplicationvégétative entraine l’introduction et la diffusion de plantes qui sontgénétiquement fixées. Cependant au cours de ces parcours, les plantes sontconfrontées à la pression sélective des agriculteurs liée aux modifications desconditions écologiques, des usages, des pratiques agricoles qu’elles vontcôtoyer au cours de leur diffusion. En décrivant la distribution de ladiversité génétique des plantes cultivées océaniennes, il est possible dereconstruire leur histoire évolutive, leur histoire démographique (routes dedispersion, introgression…) mais aussi leur histoire adaptative (sélection,adaptation locale).
Dans ce contexte océanien, où les Hommes voyagent avec leurs plantes, nous faisonsl’hypothèse que les chemins de dispersion des plantes peuvent être utiliséspour retracer les parcours migratoires des Hommes dans le Pacifique : lesplantes deviennent des traceurs des migrations des hommes. Cette approche estparticulièrement intéressante pour retracer des interactions entre groupes humainsqui n’ont pas nécessairement impliqué d’échanges de gènes et qui sont doncdifficile à identifier par des approches de génétiques humaines. En prenantquelques espèces comme exemple, ces voyages d’Hommes et de plantes serontanalysés à différentes échelles spatiales – du couple d’îles à l’Océanie– mais aussi temporelles, en abordant les migrations depuis la «préhistoire » jusqu’à nos jours.
Le cocotier
Luc BAUDOUIN
CIRAD, UMR AGAP, Montpellier
Plusieurs plantes étaient emportées par lesvoyageurs polynésiens dans leurs pirogues au cours de leurs voyagesd’exploration et de peuplement. Elles permirent le peuplement d’îlesinhabitables comme sources d’alimentationet de matériaux de constructions pour les habitations et les embarcations. Lecocotier faisait partie de ces trois catégories et fournissait en plus uneboisson saine, nutritive et rafraichissante. Si la présence du cocotier en Asiedu Sud-Est, en Papouasie et dans l’Océanie proche est ancienne, son extensionau Pacifique lointain est probablement attribuable à l’action humaine. En cesens on peut véritablement parler d’une association à bénéfice mutuel. L’étudede la construction navale des régions concernées fit apparaitre l’importance del’utilisation de fibre de coco pour la construction de bateaux « cousus »,marqueurs de la probable influence austronésienne. La sélection humaine aaffecté la diversité du cocotier, favorisant l’apparition de types Nains qui sereproduisent de façon conforme ainsi que de types à gros fruit tels que le niuvai (contenant une grande quantité d’eau) et le niu kafa (avec une bourre trèsvolumineuse, riche en fibres). C’est en combinant données génétiques,phénotypiques et historiques que l’on a pu démontrer le transport par l’hommede variétés sud-est asiatiques vers Madagascar et même vers les côtesaméricaines.
Le bananier
Xavier PERRIER
CIRAD, UMR AGAP, Montpellier
Les bananiers cultivés sont le plus souventtriploides et associent trois génomes des espèces Musa acuminata et Musabalbisiana, que l’on note AAA, AAB ou ABB. Les espèces sauvages ancestraless’étendent du pied de l’Himalaya, au sud-est asiatique continental et insulaireet jusqu’en Papouasie et aux iles Salomon en Océanie. L’analyse des génomes dece complexe a permis de retracer les grandes étapes de l’évolution desdifférentes formes sauvages aux premiers diploïdes cultivés et ensuite auxformes triploïdes. On montre que cette évolution n’a été possible que par lamise en contact par l’Homme de génotypes géographiquement isolés. On a alorscherché à valider les routes déduites de l’étude des génomes par des données demigrations de population, d’où l’interaction avec des linguistes qui tracent lesdéplacements des peuples à partir de l’évolution des mots, en particulier ceuxrelatifs aux plantes cultivées. Les données de l’archéologie permettent quant àelles d’ancrer dans le temps les principaux évènements de domestication. Onpeut ainsi par exemple conclure qu’une culture de bananes diploïdes estprobable dans les hautes terres de Papouasie il y a au moins 7 000 ans.
Cette étude menée à une échelle très largeest maintenant affinée à des échelles plus réduites. On s’intéresse ainsi à ladispersion des bananiers dans le Pacifique. Au-delà de la très grande diversitérencontrée et qui correspond à des introductions modernes, plusieurs groupessont spécifiques à la région Pacifique. Un groupe très emblématique est celuides Fehi mais il est génétiquement loin de nos bananiers et ne sera pasdirectement abordé ici. D’autres groupes de AAB sont propres à la région : lesIholéna, les Maia Maoli et les Popoulous. On montre que les deux derniers sonten fait des variants morphologiques d’un même génotype de base, on montre aussique tous découlent d’hybridations entre des M. acuminata de PNG et M.balbisiana descendus du sud de la Chine, probablement avec les premiersAustronésiens. Ces premières formes se sont ensuite répandues dans le Pacifiqueen suivant les migrations humaines. Le groupe Iholena est peu abondant mais seretrouve pratiquement à l’identique depuis l’ouest de PNG jusqu’à Tahiti. Alorsque le rôle des bananiers dans la coutume s’est quasiment éteint en Polynésie,seuls les Iholena ont conservé partout un rôle symbolique fort. Cette persistance est à mettre en liaison avecla stabilité des génomes. Les Maio Maoli / Popoulous sont aussi présents surl’ensemble de la zone mais avec une plus grande diversité. Ils sont présents enPNG surtout à l’est, dans l’archipel de Bismarck, et sous des formesparticulières sans doute proches des formes ancestrales. En Mélanésie etPolynésie, ils sont largement répandus et avec une très faible diversitégénétique, laissant supposer des brassages fréquents. En revanche, la NouvelleCalédonie présente des formes qui lui sont particulières et qui n’atteignentpas les iles pourtant proches du Sud Vanuatu. Cette fixation de formesspécifiques est à mettre en relation avec la très forte persistance de cetteplante dans la Coutume canaque alors que ces Maia Maoli sont ailleurs dans lePacifique parfaitement banalisés et ne sont qu’une production agricole parmid’autres. On notera aussi que la Nouvelle Calédonie a été un cul de sac entermes de migrations humaines et est restée en partie à l’écart de brassagespostérieurs.
La patate douce
Caroline ROULLIER
CNRS, UMR CEFE, Montpellier
La distribution de la patate douce enOcéanie s’explique par une (des) introduction(s) pré-historique(s) en Polynésieen provenance d’Amérique du Sud (par les polynésiens eux-mêmes) et desintroductions historiques dans le Pacifique Ouest, en provenance du Mexique etdes Caraïbes. Il s'agit là d'une hypothèse élaborée par des linguistes,ethnobotanistes et archéologues, mais qui à ce jour manquait de preuvesgénétiques. En combinant un échantillonnage de variétés traditionnellescontemporaines et des spécimens d’herbiers datant du XVIIIe au début du XXesiècle, nous avons pu retracer l’évolution temporelle et spatiale de ladiversité dans le Pacifique. Nous montrons que les variétés de patate douceprésentes jusqu’au début du XXe siècle en Polynésie ont clairement unesignature génétique sud-américaine, c'est-à-dire qu’elles dérivent directementdes variétés de la région Pérou-Equateur. Ainsi nos données génétiquesapportent une preuve supplémentaire à l’existence d’au moins une connexionpréhistorique entre la Polynésie et l’Amérique du Sud. A l’Ouest du Pacifique,les cultivars de patate douce ont une origine principalement centraméricaine.Nous montrons également qu’il y a eu un remaniement de la base génétique au fildes nouvelles introductions, effaçant progressivement la signature desintroductions d’origine. En revanche, les phénotypes reconnus par lescultivateurs et les noms associés - c'est-à-dire les déterminants « culturels »des variétés - ont probablement été maintenus. La patate douce estessentiellement propagée par voie clonale par les cultivateurs. Toutefois, ellea conservé une reproduction sexuée active. Nos données génétiques attestent queles nombreux cultivars que l’on trouve aujourd’hui en Océanie sontmajoritairement issus d’événements de recombinaison distincts et de lasélection locale de plantes issues de graines. Dans certaines régions, ceprocessus de diversification a même conduit à l’émergence de véritables centresde diversité secondaire, comme dans les hautes terres de Nouvelle Guinée.
Circulation des plantes et desmigrants au Vanuatu
Sophie CAILLON
CNRS, UMR CEFE, Montpellier
Mathieu THOMAS
Post-doctorant INRA
Les « grandes » migrations depuis lapréhistoire se déroulent sur de « grandes » distances. Cependant le processusde colonisation s’effectuait, dans la plupart des cas, d’île en île. Afin demieux comprendre les anciennes logiques migratoires, nous avons choisid’étudier les voyages entre deux îles proches au Vanuatu dans le groupe desBanks : Vanua Lava et Mota Lava. Cultiver un jardin sur Mota Lava estaujourd’hui difficile, la terre étant devenue rare et certaines famillesd’origine extérieure sont fortement incitées par la communauté à migrer pour seréapproprier leurs anciennes terres et ainsi ouvrir de nouvelles « routes » àtravers les mariages. Les migrants de Mota Lava revendiquent les « liens auterritoire » qu’aurait tissés un ancêtre né sur Vanua Lava mais installé etmarié depuis plusieurs générations sur Mota Lava. La migration actuelle seraitla réciproque d’une migration ancienne.
L’installation de ces migrants depuis lesannées 1980 pose un certain nombre de problèmes politiques sur Vanua Lava. Cestensions ne peuvent être appréhendées sans l’analyse des parcours etexpériences migratoires, et des argumentations développées par les migrantsjustifiant leur accès à la terre. L’originalité de cette démarche consiste àanalyser l’identité des migrants à travers l’histoire de leurs plantes, enparticulier celles liées à leur « ancien lieu ». Les plantes en particulier àmultiplication végétative, sont les seuls objets immuables de cet environnementsoumis à de nombreux cyclones et d’abondantes précipitations. Transportées,elles portent la mémoire de leur terre d’origine et de leurs ancêtres. Mais lesmigrants ne transportent pas toutes leurs plantes utiles et s’approvisionnentégalement dans le milieu naturel etauprès de la population locale, preuves tangibles de leur « intégration ».
Dans ce contexte, nous décrivons l’origine(« qui a donné à qui » et « d’où ») de toutes les espèces et variétés destinéesà l’alimentation à l’aide d’une analyse de réseau (260 plantes, 16 couplesd’agriculteurs, 2500 échanges) afinde répondre aux questions suivantes :
• Comment les migrants choisissent-ils les plantes à transporter et cellesà échanger sur place ou à trouver en forêt ? Les choix des plantes par lesHommes lors de leurs voyages participent à la reconstruction identitaire quisuit la migration.
• Quels facteurs dessinent la topologie du réseau ? En d’autres termes,comment les partenaires des échanges, se choisissent-ils entre eux ? Cesfacteurs peuvent par exemple dépendre des distances géographiques, desdistances sociales et des distancesécologiques. Nous tâcherons d’identifier les partenaires privilégiés deséchanges, et les néo-réseaux d’échange créés suite à la migration.
Conclusion : Pour une approche pluridisciplinaire del’histoire des plantes et des paysages d’Océanie
Sophie CAILLON
CNRS, UMR CEFE, Montpellier
Xavier PERRIER
CIRAD, UMR AGAP, Montpellier
La meilleure compréhension des événementsévolutifs résultant d’une longue histoire en commun des Hommes et des plantesnécessite une approche pluridisciplinaire associant chercheurs en scienceshumaines et sociales (anthropologues, linguistes, géographes, historiens,archéologues) et biologistes (agronomes, écologues, généticiens). Au-delà d’unesimple superposition d’outils disciplinaires, l’association de parcours derecherche différents génère unenrichissement mutuel et l’émergence de nouveaux points de vue. En effet lesbiologistes cherchent à comprendre l'histoire évolutive des plantes en tantqu’objets biologiques et culturels en observant les mouvements de populationsentre les îles et les pratiques liées à la domestication et à la gestion des plantescultivées. Les chercheurs en sciences sociales et humaines s’intéressent auxprocessus conduisant à la formation d’une société recomposée après un phénomènede migration en étudiant, entre autres, les espaces traversés ou créés au coursde leur parcours ainsi que l’histoire, l’origine et les valeurs sociales desplantes transportées. Au-delà de l’étude individuelle des espèces, cetteapproche pourrait être appliquée à l’étude de la formation et de l’évolutiondes cortèges végétaux, des agro-systèmes et des paysages des îles d’Océanie.
B. Circulations et temporalités : le cas du Vanuatu
Les différents flux depeuplement lapita suggérés par les décors céramiques
Arnaud NOURY
Docteur en archéologie et anthropologie historique
A la période Lapita (3200-2700 ans avant lePrésent environ), les flux de peuplement ou de migrations en Océanie furentmultiples et complexes. Ils sont connus notamment grâce à la répartition de lapoterie décorée dans plusieurs centaines de sites archéologiques. La « société» Lapita est parfois citée comme l'ancêtre probable qui portait en elle lesgermes des systèmes d'échanges cérémoniels et/ou commerciaux connus parl'ethnographie, mais également à l'origine d'un des premiers grands mouvementsde colonisation des îles océaniennes. Mais que nous apporte précisément l'étudede cette période longue de près d'un demi-millénaire ?
L'examen des motifs décoratifs céramiqueslapita (et de leurs règles d'élaboration et de diffusion dans les sitesarchéologiques) permet de proposer des hypothèses sur l'organisation sociale deces ancêtres lointains des océaniens.
Je propose de présenter dans cetteintervention les principaux résultats et quelques unes des nombreusesinterrogations que les études des décors lapita peuvent soulever :
Quels sont les motifs graphiques quipermettent de « tracer » les mouvements et les liens entre différents groupes ou communautés lapita? Qui ou quoi circulaient entre les sites : les poteries, les décors, ou des conceptssociaux ? Quelles informationsnouvelles sur les sociétés préhistoriques cela nous apporte-t-il ?
Colonisation insulaire initiale et pratiques funéraires Lapita : le cas de Teouma (Vanuatu)
Frédérique VALENTIN
CNRS, UMR 7041
Stuart BEDFORD
ANU
MatthewSPRIGGS
ANU
La population de Teouma (Vanuatu) associéeau début de la période Lapita présente une large sphère relationnelle, indiquéepar des échanges à longue distance avec le nord et le sud de la Mélanésie,ainsi que qu’une forte interaction avec leurs morts et leurs os dans le cadrede funérailles en plusieurs temps (cf. Hertz 1907). A l’opposé, la populationde Teouma associée à la fin de la période Erueti, 500 ans après les premièresinstallations humaines, se caractérise à la fois par une sphère relationnelleréduite, les relations à longue distance ayant cessées à la fin de la périodeLapita, et une interaction apparemment limitée avec les corps des défunts.D’une façon générale l’inverse est observé en ethnographie : les groupesmobiles apparaissent moins enclins à la pratique de doubles obsèques que lesgroupes sédentaires (Schroeder 2001, p.88). Nous montrons dans cettecontribution qu’une telle conclusion pourrait ne pas s’appliquer aux groupeshumains colonisant pour la première fois des environnements inhabités et noussuggérons que la solution funéraire adoptée par les groupes Lapita auraitcontribué à la survie des premières colonies et au peuplement des îles duPacifique.
Les échanges inter sociétés : une logique née avec les systèmes de grades dans les îles du Nord, bien ancrée dans les valeurs sociales
Volet 1
Jean-Christophe GALIPAUD
IRD, Archéologue IRD-MNHN - UMR208 PALOC ("Patrimoines locaux")
Volet 2
Virginie LANOUGUÈRE-BRUNEAU
IRD, Chercheur associée àl’IRD-MNHN - UMR 208 PALOC
Les sociétés du nord du Vanuatu s’organisentdepuis toujours autour de systèmes d’échanges entre les îles, avec parfois desdistantes très importantes. Les données archéologiques et anthropologiquespermettent d’en attester. Grâce aux travaux menés dans ces deux disciplines surune même région, nous nous nous pencherons sur les réseaux construits dans lecadre des systèmes de grades du nord du Vanuatu, dans le cadre desintermariages mais aussi dans celui des échanges de biens de consommation et devégétaux.
Nous nous interrogerons sur la capacité desdonnées archéologiques à documenter les évolutions sociales passées et àcomprendre les données contemporaines. En d’autres termes, les systèmesd’échanges qui existent depuis l’installation des premières populations dansles îles du nord de la Mélanésie, ont-ils de nos jours les mêmes fondements etles mêmes extensions qu’autrefois ?
Les musiques comme affirmationdu prestige : droits et transmission des musiques au Vanuatu
Monika STERN
CNRS, Chargée de Recherche, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Si la circulation des biens et des personnesen Océanie a fait couler beaucoup d’encre en anthropologie depuis le début duXXe siècle, les analyses de la circulation des savoirs oraux semblent avoir étébeaucoup plus rares. Depuis Malinowski, plusieurs chercheurs ont évoquél’existence de la propriété des chants ou des danses, cependant la circulationdes savoirs musicaux n’a jamais fait l’objet d’analyses plus poussées.
Selon les cultures, les lieux et les temps,les échanges musicaux ont été gérés localement de différentes manières.Aujourd’hui, les questions des droits sur une musique forment un sujet sensibled’actualité internationale en raison du développement de l’industrie musicale,avec les possibilités techniques de reproductions massives et de la naturecommerciale des enregistrements et des représentations. Les jeunes pays de laMélanésie, comme le Vanuatu, doivent faire face aux problèmes de laglobalisation et de l’industrialisation de la musique et faire des choixrelatifs aux traités internationaux.
Au Vanuatu, n’importe qui n’a pas le droitde disposer des savoirs musicaux comme bien lui semble. Dans beaucoup derégions de l’archipel, des règles anciennes assurent encore la transmission etla circulation de la musique. Ce système complexe de transmission estnécessaire également pour la réalisation des cérémonies hiérarchiquesimportantes.
Dans cette présentation je souhaiteraisaborder, au travers d’exemples précis observés dans le nord et le centre duVanuatu, différents types de circulation des arts musicaux échangés contred’autres objets de valeur comme des nattes rouges, des cochons ou encore despièces de monnaie courante (les vatus). Une attention particulière sera portéeà une caractéristique non négligeable de la musique (et d’autres savoirs «immatériels »), à savoir son inaliénabilité : bien que donnée, elle resteratoujours dans la mémoire du donateur.
C. Diversité des approches, diversité des circulations
« O te moana te marae nui o teao nei, la mer était le plus grand marae du monde »
Gregory ZEIGIN
Université de Strasbourg, Doctorant,Laboratoire Cultures et Sociétés en Europe
Que représentait pour les Polynésiens cetteimmense étendue d'eau qu'est l'océan Pacifique?
Les spécificités de l'espace qui ontparticipé à la construction de l'identité insulaire n'ont pu que marquer lesmodes d'être, de penser et d'agir de ces populations. L'océan nous apparaîtaujourd'hui comme un lieu de contact, de mise en relation en rapport avec laspécificité insulaire d'une partie de la Mélanésie, de l'ensemble de laMicronésie et de la Polynésie.
Nous savons que les Polynésiens voyageaientà travers le Pacifique, que les échanges (les conflits entrent aussi dans lacatégorie de ces échanges) étaient fructueux entre les îles dans cetenvironnement si particulier. L'exemple de Tupaia qui connaissait et a puindiquer la position de près de 80 îles à James Cook, avec une relativeexactitude sur près de 3000 km de distance est assez révélateur de la maîtrise(en termes géographiques et cartographiques mais pas uniquement) de cet espaceaux dimensions multiples qu'est l'Océan Pacifique. L'ensemble de la Polynésie,comme territoire, dans sa spécificité insulaire (objet géographique), a faitl'objet d'une colonisation de terres de la part des peuples polynésiens. Maisce schème directeur va bien au-delà : comprendre l'environnement maritime, la(les) conception(s) que pouvaient en avoir les îliens, bien plus que laconception « d'insularité » car prenant en compte la dimension « d'îléité »(l'univers, les représentations cosmologiques), c'est aussi d'une certainemanière essayer de comprendre les échanges, leur nature, leur fréquence, quiont pu s'opérer à travers les siècles et peut-être comprendre un jour cettemigration du précédant millénaire d'avant l'arrivée des premiers européens.
C'est tout le questionnement qui ressort del'analyse des chaînes opératoires techniques et cérémonielles de laconstruction des embarcations polynésiennes (qu'elles soient à balancier oudoubles) à l'époque des premiers contacts extra Pacifique. La présentation deces chaînes permettra de proposer une analyse des concepts environnementauxpolynésiens, notamment l'environnement maritime et des interactions qui s'yproduisent (hommes-hommes, hommes-divinités, hommes-ancêtres, hommes-phénomènesphysiques, hommes-animaux...).
Du savoir et savoir-faire maritimes aux processus de peuplement de la Polynésie orientale : le cas dela voile à livarde océanienne
Anne DI PIAZZA
CNRS, Chargée de Recherche, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Si les modèles de peuplement de l’Océaniepar les archéologues s’accordent généralement pour reconnaitre deux phases dansla dynamique migratoire de la Mélanésie/Polynésie occidentale d’une part et dela Polynésie orientale d’autre part, la rupture de cette dynamique demeureinexpliquée. Nous chercherons à montrer que la navigation au sens large permetde renouveler la question. Nous ferons l’hypothèse que la voile à livarde atrès largement contribué à la colonisation de la Polynésie orientale comme à lacréation d’un nouvel espace océanien, largement connecté.
Après avoir détaillé la distributiongéographique de la voile à livarde océanienne et de la manœuvre monodrome quilui est associée, nous examinerons les difficultés de navigation au-delà del’archipel de Samoa, au-delà du monde Lapita, en nous appuyant sur lamodélisation-simulation des trajectoires de pirogues. Nous poursuivrons encomparant l’aérodynamisme de cette voile à livarde à la voile latine océaniennepropre au monde Lapita. Ces trois points nous permettrons de suggérer que lesprocessus de découverte et de peuplement de la Polynésie orientale il y aquelques 800 ans, mais aussi de certaines enclaves polynésiennes en Mélanésie,s’accompagnent d’un renouveau du savoir et savoir-faire maritimes des locuteursdu « Polynésien nucléaire du Nord ».
Histoire de déplacements, histoire « d’emplacement » à Palm Island (Queensland, Australie)
Lise GAROND
Chercheuse affiliée au Laboratoire d’Anthropologie Sociale
A partir d’une étude ethnographique surl’île de Palm, où vit une population aborigène d’environ 3000 personnes, cetexposé présente le récit que font les habitants de l’île de la « fondation » deleur communauté, qui est faite, ainsi qu’ils le disent souvent, de « plus dequarante tribus différentes ». L’île de Palm fut choisie, au début du20èmesiècle, par le gouvernement du Queensland pour l’établissement de l’unedes plus grandes réserves aborigènes, vers laquelle plusieurs milliersd’Aborigènes et des Insulaires du détroit de Torres furent déplacés. Certainshabitants actuels de l’île se reconnaissent aussi des ancêtres originaires desîles du Pacifique, et d’Asie. Nous verrons comment l’histoire que les habitantsde Palm font des déplacements passés et de leurs multiples origines, constitueaussi une histoire « d’emplacement » sur l’île : une histoire d’appropriationdes lieux, en dépit des politiques coloniales. Nous verrons aussi que laréaffirmation contemporaine de l’inscription aborigène des lieux, et del’attachement à d’autres régions, notamment par le biais de noms de tribusaborigènes, trouvent aussi leur influence dans les politiques postcoloniales dereconnaissance des identités territoriales aborigènes. Dans le même temps,cette reconnaissance a aussi participé à la production d’un modèle reconnu deculture aborigène « traditionnelle », vis-à-vis duquel les habitants de Palm seretrouvent aussi souvent en position de « déplacement ». Le cas de Palm Islandse présente ainsi comme particulièrement riche de problématiques, encore peuexplorées au sein de la littérature anthropologique australianiste.
Que font les échangescérémoniels ?
Denis MONNERIE
Université de Strasbourg, Professeur
Alors que l’on approche d’un consensus surl’aspect fondamental des échanges dans les sociétés d’Océanie (et pluslargement dans les sociétés austronésiennes), y compris chez des chercheursaussi différents que Daniel De Coppet et Nicolas Thomas, de très nombreux questionnementsrestent ouverts sur ces procédures dynamiques du social.
A partir de données ethnographiques sur les« échanges cérémoniels » rassemblées en Kanaky Nouvelle-Calédonie (1992-2012)et aux Iles Salomon (ethno-histoire : fin XIXe et début XXe siècles) et derecherches comparatistes pour l’Océanie et l’Indonésie, je proposerai deconsidérer les échanges cérémoniel sous l’angle de leur mode opératoire et dela multiplicité des biens d’échanges qui y circulent. Il s’agit de mieux cernerla question : que font les échanges cérémoniels ? Les éléments de réponseporteront en particulier sur l’appréhension de ce que sont les relationssociales et sur leur élaboration cérémonielle.
Echanges et transmissions,aspects imbriqués de la pérennité des institutions. Etude de l’exemplewallisien
Sophie CHAVE-DARTOEN
Université Bordeaux Segalen, ADESS(UMR-CNRS 5185), Département d’ethnologie - anthropologie sociale et culturelle
Dans le Pacifique, échanges cérémoniels,transferts et déplacements – de personnes, de choses, de valeurs –sont les formes partielles de circulations plus vastes, qui les enchâssent etles englobent (conformation des groupes sociaux, plus généralement, reconductiondu social et de la vie).
Si le caractère structurant des échanges aété montré, il semble important de rappeler que tout ne circule pas (Weiner1992), tout au moins que certaines circulations, si elles existent, le font surune temporalité très longue qui relève davantage de ce que l’on considère commeune transmission. Ainsi, l’étude des circulations doit-elle croiser l’analysedes circulations réglées entre entités sociales contemporaines (dimension ensynchronie relative) et les modalités de transmission (dimension en diachronierelative) qui assurent autrement – et de façon complémentaire –l’existence des entités de référence.
Je montrerai qu’à Wallis, l’existence desmaisonnées comme entités sociales et cérémonielles nécessite une participationactive aux différentes formes de cérémonies et une occupation renouvelée. Il enva sensiblement de même pour l’existence des personnes, particulièrement pourles « personnes collectives », transgénérationnelles, institutionnalisées sousforme de noms-titre. Dans ces cas –ceci et vrai aussi pour lescommunautés villageoises ou même le « pays » fenua–, circulations ettransmission paraissent conjointement constitutives des entités sociales, deleur définition en termes de statut relatif dans l’ordre du cosmos et d’unepérennité permettant le constant renouvellement du monde social.
Développements économiques et cultures locales dans le Pacifique
Caroline Blondy et Anne-Marie d'Hauteserre
Le thème de cette session est l’état actuel dudéveloppement économique dans diverses parties du Pacifique ilien. On a avancéqu’à l’avenir, le développement durable dépend des trois facteurs suivants :les ménages (culture locale), les gouvernements et le marché, les trois étantd’ailleurs souvent liés par les produits qu’ils utilisent. On associe souventles problèmes de l’environnement aux émissions des industries, etc., mais enfait, les ménages sont souvent les principaux coupables. Quelle est lasituation dans le Pacifique ? Mais en fait, quelle est la valeur d’un‘développement’ dit durable ? La façon dont le concept est déployé aujourd’huisemble étouffer le potentiel pour tout véritable changement social etenvironnemental qui offrirait une mesure de durabilité. Mettre en avant lacroissance économique cache souvent les inégalités et les injustices que sonsoutien ‘durable’ par les institutions internationales et locales provoque.Est-ce qu’il existe vraiment, ou peut on encourager, une justice distributive(entre ceux qui reçoivent les bénéfices et ceux qui paient les coûts) ainsiqu’une justice procédurale (sur la façon dont les décisions sont prises etcomment certains groupes sont exclus de ces processus). Le discours prévalentest celui d’une modernisation écologique, c’est-à-dire la croyance que lesinventions technologiques et administratives sont les seules solutions auxproblèmes de l’environnement et de la croissance économique; est-ce applicableau Pacifique ? Quel est le rôle des cultures locales ?
Cette session sollicite la participation descientifiques intéressé(e)s par tous les aspects que soulève un développementqui offre une assise économique durable (sans détruire l’environnement et sansfavoriser un groupe aux dépens de tous les autres), mais aussi par toutes lesformes qui puissent fournir une amélioration durable des modes de vie dans lePacifique ilien et qui suivent mais qui ne se réduisent pas qu’à ces quelquesexemples :
- adressent les obstacles complexes et suggèrent des stratégies alternatives pour créer desmodes de vie durables qui ne cassent pas non plus les cultures locales,
- s’intéressent à la façon de modifier les dispositions socio-culturelles et la culturematérielle qui sont d’ordinaire si difficiles à changer
- étudient les modes de rapport à l’environnement pratiqués par les cultures locales pourrelever ceux les plus à même d’offrir un progrès économique en harmonie avecleur environnement,
- examinent les différentes composantes de l’économie (par ex : tourisme, pêche, artisanat,culture de la perle, horticulture d’export, etc.) et leur contribution actuelleou future à une économie durable
- explorent les rapports sociaux locaux (entre les genres, etc.) et l’existence d’untraitement équitable ainsi que d’une participation significative de tous lesmembres de la société locale par rapport au développement et à l’utilisationdes ressources locales, naturelles, culturelles ou humaines.
La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, entre tourismeinternational et tourisme intérieur
Jean-Christophe GAY
Université Nice-Sophia Antipolis, Professeur
Caroline BLONDY
Université de La Rochelle, PRAG Docteur en géographie
Les statistiques touristiques sont médiocres, car souvent seul le tourismeinternational est mesuré. En conséquence, le tourisme intérieur est très malconnu, alors qu’il a souvent un rôle majeur. Dans cette communication, nousnous intéresserons à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française, dont lemanque de compétitivité empêche toute forte progression dans un avenir prochedu flux d’étrangers. Plutôt que de se concentrer sur les marchés asiatiques ouaustraliens, pour la Nouvelle-Calédonie, et les marchés américains, européenset asiatiques pour la Polynésie française, il serait préférable d’insister surle tourisme des résidents dans un souci de rééquilibrage. Il existe en effet enPolynésie française et en Nouvelle-Calédonie des pratiques touristiques chezles résidents, pratiques qui montrent une disparité des profils de touristesdomestiques selon leur origines géographiques et leurs modes et niveaux de vie.Par ailleurs, en Nouvelle-Calédonie, il serait important de ne pas ignorer lesFrançais, Métropolitains, Tahitiens ou Wallisiens, qui représentant un quart duflux « international » et qui viennent rendre visite à des amis ou à lafamille. Cette clientèle « affinitaire », spécialement les Métropolitains,souvent dépréciée car ne fréquentant pas l’hôtellerie internationale, a despratiques similaires à celles des résidents, dans la mesure où ceux-ci jouentle rôle de prescripteurs de visites et de séjours. En étant les principauxclients des hébergements en tribus et en gîtes, il s’agit d’une forme notablede redistribution des richesses au profit de la Brousse, des îles et des Kanak.En Polynésie française, cette clientèle « affinitaire », très majoritairementmétropolitaine, existe aussi, même si elle est sans doute moins développée quedans les autres espaces ultramarins français. Elle alimente des flux notablespour les hébergements chez l’habitant dans les principales îles touristiquespolynésiennes mais participent aussi au développement touristique dans des îlesplus éloignées et moins visitées, les résidents accueillant la famille jouantle rôle d’initiateur et de catalyseur.
Le Tourisme créatif Facteur de Cohésion et de Développement des Iles du Sud Pacifique - Le cas de laNouvelle Calédonie
Olivier SAISSI
Université du Sud Toulon Var
A l’instar d’autres iles de la zone Asie Pacifique, la Nouvelle Calédonie connaitune activité économique réduite, basée notamment sur l’exploitation minière.Une telle situation exclut, pour toute ou partie, une population socialementfragile de toute insertion professionnelle. Pour éviter que la société ne sefissure et ne remette en cause la cohésion de la Nouvelle Calédonie,l’introduction d’une activité de tourisme créatif est proposée.
La justification de cette proposition repose sur deux fondements :
La politique touristique « classique », en Nouvelle Calédonie, est un échec commel’attestent les données de l’ISEE qui montrent une stagnation des flux depuis1997, principalement caractérisés par un tourisme affinitaire. Cette situationcontraste avec l’attrait croissant que connaissent des destinations prochescomme Fidji ou le Vanuatu. L’échec du Tourisme en Nouvelle Calédonie seraitdonc à mettre sur compte de l’existence d’un facteur « C « spécifique et non àun mouvement général qui affecterait l’ensemble de la zone mélanésienne.
La Nouvelle Calédonie connait une population fort jeune qu’elle va devoir insérersocialement. Tel qu’il est mis en place ou pensé, le tourisme classique utilisedes infrastructures fortement localisées et souhaite des compétencesspécifiques orientées vers l’Hôtellerie Restauration et l’Animation. Dès lors,au mieux, cette situation génère un exode des compétences vers des zonesd’activités, entrainant des problèmes de gestion et consommation desressources. Au pire, une fracture de la société est induite par l’exclusion,dans des zones sans activité, de personnes ne disposant des compétencesattendues.
Au-delà de la nécessité, les conditions de mise en œuvre du tourisme créatif serontabordées.
La gouvernance des participations minières de la Nouvelle-Calédonie
Edouard LEONI
Docteur en droit public, Revue juridique, politique et économique deNouvelle-Calédonie
Au XIXesiècle, le philosophe allemand Frédéric Nietzsche déclarait déjà : « connaître,c’est comprendre toute chose au mieux de nos intérêts ». Or, les intérêtsstratégiques de la Nouvelle-Calédonie se posent au travers de sesparticipations et des dividendes dans les usines de nickel de Doniambo(Eramet), Goro (Vale) et Vavouto (X strata). Encore faut-il en définir lestermes. La gouvernance renvoie aux interactions entre l’État, le corps politique, la société etles lobbies. Elle se conçoit comme une action publique plus efficace et prochedu bien public et donc de l’intérêt général. Elle suppose un système qui nesurexploite pas ses ressources.
Dans les faits, les participations calédoniennes en 2012 se posent en trois modèlesdistincts avec une première usine amortie et deux autres usines en attente dedémarrage :
- la société territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI)représentant les intérêts des trois provinces, a acquis 34% du capital de laSociété Le Nickel (SLN) (détentrice de 53% des titres miniers) et 4,04% decelui du groupe français Eramet. Ce dernier détient 56% du capital de la SLN etla société japonaise Nisshin Steel en dispose de 10%. Et, le capital de laSTCPI est composé a parts égales : la société d’économie mixte (SEM) Promosud,détenue majoritairement par la province Sud possède 50% du capital ; la SEMNordil, détenue a 25% par la SEM Sodiles, aux mains de la province des îlesLoyautés, et a 75% par la SEM Sofinor, elle-même détenue a 75% par la provinceNord, est propriétaire des autres 50% du capital de la STCPI. Par conventiond’actionnaires, Promosud dispose de 25% des dividendes de la STCPI.
- la société minière du sud pacifique (SMSP) détient 51% des parts de la jointventure Koniambo Nickel SAS (KNS),les 49% restants appartenant au groupe suisse X strata. Or, la SMSP (détentricede 17% des titres miniers) est détenue par la province Nord car c’est unefiliale a 87% de la SEM Sofinor.
- la société de participation minière du Sud calédonien (SPMSC) représente les intérêtsdes provinces a hauteur de 5% dans le capital social de la société Goro Nickeldétentrice de 8 % des titres miniers) du groupe brésilien Vale, a raison de 50%pour la province Sud et 25% pour chacune des deux autres provinces. Mais, laparticipation de la SPMSC est limitée a 5%, en raison du coût desinvestissements. Celle-ci devra remonter à 10% dans un délai de 2 ans après lamise en service commerciale, nécessitant de nouveaux efforts financiersprovinciaux.
De plus, a titre de précision, la répartition des titres miniers enNouvelle-Calédonie en 2012 est la suivante : la SLN avec 53%, Ballande avec 16%,Nickel Mining Compagny (NMC) 13%, Vale 8%, la société des mines GeorgesMontagnat (SMGM) 4% et Koniambo Nickel SAS(SAS) 4%. Et en 2012, le capitald’Eramet se décompose comme suit : les sociétés Sorame et CEIR avec 36.90%, lefonds stratégique industriel de l’État en lieu et place d’Areva avec 25.69%, lasociété Carlo Tassara avec 12.86%, la STCPI avec 4.04%, le Bureau de RecherchesGéologiques et Minières (BRGM) avec 1.34%, un autocontrôle de 0.39% et diversavec 18.78%.
Dès lors, en 2012, la question de la gouvernance des participations et desdividendes obtenus et à venir se pose dans le cadre du financement à trouver aterme des transferts de compétences votés au congrès de Nouvelle-Calédoniedepuis décembre 2009 et janvier 2012. Toutefois, la dotation de compensation liéeaux transferts et la mise à disposition globale et gratuite de l’Étatpermettent de disposer d’un temps indispensable de transition.
Aussi, l’exposé vous présentera cette problématique de la manière la plus simple possibleen deux points : la gouvernance des participations de la Nouvelle-Calédoniesous l’influence des multinationales (I) puis la volonté de la collectivitéd’un partenariat plus équilibré avec les multinationales (II).
La ‘culture’, obstacle ou fondement du développement économiqueautochtone ? Politiques publiques et idéologies culturalistes en Australie
Elodie FACHE
Post-doctorante ECOPAS, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Depuis les années 1990, des groupes de « rangers » ont été établis dans de nombreusescommunautés d’Australie du Nord. Ces rangers constituent une nouvelle catégoried’acteurs sociaux aborigènes, employés en tant que prestataires de servicesenvironnementaux au sein des territoires qui ont été restitués à la populationautochtone depuis les années 1970.
Cet exposé montrera que la légitimité et le potentiel des emplois de rangers,principalement financés par des programmes gouvernementaux, sont fondés sur unearticulation entre gestion et conservation de l’environnement, développementéconomique ou durable, et culture(s) aborigène(s). En effet, ces emplois sontgénéralement présentés comme une option alternative de « développement »,renversant la perspective selon laquelle la « culture » des Aborigènes pourraitconstituer un obstacle à l’amélioration de leur situation socio-économique. Cediscours témoigne de la tension, dans le contexte australien, entre idéologiesculturalistes positives et négatives – ces dernières ayant été, etcontinuant dans une certaine mesure à être, au cœur des politiques publiquesrelatives à la minorité autochtone.
Il s’agira également de mettre en évidence les ambivalences relatives à l’objectifde reproduction des caractéristiques « culturelles » locales que le processusde bureaucratisation inhérent à cette option de développement économiqueimplique.
Tradition et économie en Polynésie française
Anne-Marie D’HAUTESERRE
University of Waikato, Nouvelle Zélande, Docteur-es Lettres, TourismProgramme Convenor
Cette présentation examine une des composantes de l’économie de la Polynésiefrançaise, le tourisme et sa relation avec la culture polynésienne ets’intéresse à comment certaines dispositions socio-culturelles et la culturematérielle (passées, ainsi que leurs variantes actuelles) favoriseraient uneplus grande attraction du territoire sur le marché touristique international. Al’heure actuelle, les anciennes formes de promotion et les activités surlesquelles elles se basaient, recrutent bien peu de visiteurs, surtout parrapport au reste du Pacifique, et par rapport à l’image qui se fait de Tahitiet ses Iles. Cette présentation examine la dance et l’artisanat en tantqu’activités culturelles identitaires, certes, mais aussi comment elles peuventservir d’éléments pour attirer plus de touristes et donc participer à unaccroissement de la productivité économique du territoire. Le problèmeprincipal est de (et comment) respecter l’altérité de l’autre tout en réduisantla pauvreté (qui existe pour un bon tiers de la population du territoire) et enassurant la sauvegarde pérenne de la culture polynésienne puisqu’elle est à labase de la construction identitaire. Le but est de ‘empower’ la communautélocale.
Dynamiques culturelles des diasporas dans le Pacifique sud
Stéphane Sawas
Les populations de l’Océanie se caractérisent par une grande mobilité dans desespaces inégalement attractifs. D’une part, nombre de communautés océaniennescomptent plus de membres en dehors de leur territoire d’origine : les foyersdes diasporas océaniennes essaiment tant dans le Pacifique (Nouvelle-Zélande,Australie, Nouvelle-Calédonie, Hawaii) qu’en Amérique du Nord et en Europe.D’autre part, des communautés non-océaniennes (d’Europe, du Proche-Orient etd’Asie) qui, d’une génération à l’autre, revendiquent souvent leur identitédiasporique grossissent les principaux pays d’immigration de l’Océanie.
Cette session se propose d’étudier les implications culturelles de ces mouvementsmigratoires dans le Pacifique. Des créateurs dont l’œuvre dépasse aujourd’huiles frontières du continent océanien (Sia Figiel, Tusiata Avia, ChristosTsiolkas, Shaun Tan, Epeli Hau’ofa, Ana Kokkinos), sont révélateurs de ladynamique qu’insufflent les diasporas en Océanie à la fin du XXe et au début duXXIe siècle. Comment, dans le contexte postcolonial, se négocient ces nouvellesidentités diasporiques ? Quel est l’impact des allers et retours entre lesespaces diasporiques et les territoires d’origine sur ces créateurs ? Quelregard portent les institutions (universités, musées, maisons d’édition, etc.)sur ces nouvelles dynamiques ?
Voici quelques-unes des questions posées par cette session ouverte aux approches detoutes les disciplines relevant des lettres et des sciences humaines etsociales.
Le sujet diasporique : dynamiques et cartographies australiennes
Salhia BEN-MESSAHEL
Université Charles de Gaulle Lille 3, Maître de conférences, CECILLE
La question de la migration vers l’Australie a été et demeure toujours aussicomplexe, elle se pose aux pays d’origine, de transit et de destination. Ellepermet de s’interroger sur les questions liées à l’identité, l’individualité,la phénoménologie de l’existence, les tensions dynamiques entre nations etentités individuelles, l’européanisme et l’historiographie, les effets ducolonialisme, et le prolongement du « littéraire » dans la société et dansl’histoire.
Il s’agira de voir pourquoi la narration chez des auteurs comme Nam Le et BethYap, peut être liée à des représentations populaires en s’attachant aux problèmesdu langage et de la continuité, et ainsi de comprendre par quel biais laculture du sujet déplacé génère des formes à la fois minoritaires, marginales,contestataires et hybrides. Il s’agira de s’interroger sur la manière dontl’acte d’écriture pointe les glissements qui font que libre-échange, traverséedes frontières, quête identitaire, posent à la fois la question de l’identitéet/ou du métissage, d’absence ou de déchirement d’identité comme conditiond’appartenance.
La population chinoise de Polynésie française : un modèle de dynamismeculturel dès le XIXe siècle
Viviane FAYAUD
Historienne
Une poignée de Chinois est présente dès 1856 à Tahiti. En 1864, des arrêtés prispar le gouverneur permettent de recruter des travailleurs venus du sud de laChine. Une première immigration comptant trois-cent-vingt-neuf Chinoiss’installe sur la plantation d’Atimaono le 28 février 1865.
Pendant un temps, la littérature consacrée à l’Océanie a perçu les Chinois de Polynésiefrançaise, qui représentent à certaines époques 10% de la population totale,comme une minorité secondaire. De récentes études ont réévalué cette approche. Ainsi, cesmigrants ne parlant, à leur arrivée, ni français ni tahitien, et ne constituantpas même une communauté linguistique homogène, ne démontrent pas leur dynamismeque dans le domaine économique. L’implantation d’associations diverses dès lafin du XIXe siècle, l’ouverture en 1922 de la première école chinoise, lacréation d’œuvres littéraires , artistiques , et l’implication dans larecherche en sciences humaines manifestent un dynamisme culturel, riche de sens.
La communication replacera les écoles et les œuvres graphiques et picturales de lacommunauté dans leur contexte socio-historique dans une perspective d’histoireculturelle des Asiatiques de l’Océanie contemporaine.
La diaspora algérienne en Océanie (XIXe-XXIe siècles). Quellestrajectoires, émergences et dynamiques culturelles ?
Mélica OUENNOUGHI
Université Paris VIII, Docteur en anthropologie
La diaspora algérienne est très active dans sa contribution au destin commun deNouvelle-Calédonie, auquel elle intègre une mémoire coutumière qui lui faitreconnaître d’anciens engagements historiques. Aujourd'hui, la mémoireinterpelle notamment celle dont les enfants des premières et secondesgénérations ont réussi à maintenir « Les vieux dictons et vieilles traditionsde leurs pères » dans le Déracinement de P. Bourdieu et A.Sayad. A travers nos enquêtesmenées entre 1999-2004, on observe que les Calédoniens d’origine algérienne ontgénéré très tôt des legs culturels autour d’un système coutumier reproduit enOcéanie, faisant naître des systèmes symboliques forts, leur permettant de sesituer dans la société d’accueil mais pas seulement. La question a été desavoir si les déplacés algériens ont subi le fait de rupture avec le passé,s’ils sont toujours liés par la filiation parentale (fils d’un tel ou d’un tel fellah, « beni, aït, ben, ouled,… » de l’ancien douar de Kabylie, des steppes du désert versl’ancienne oasis de Biskra, et de l’Oranie ? Les vieux dictons algériens commelegs immatériels seraient-ils nourris du lien organique que nous suggèrel’ethnologie organique chezces déplacés ? Forment-ils des modèles traditionnels dits « sociaux » (patternsdes auteurs anglo-saxons) comme point de résistance, et ont-ils perduré et/ouproduits ? Ont-ils à leur manière véhiculé une certaine mémoire du paysd’origine inscrite dans les mémoires entre l’Océanie et la Méditerranée ? Denos compléments d’enquêtes entre 2007-2009 à ce jour , il en ressort que lefait culturel génère des revendications identitaires dans des engagementssociaux (le syndicalisme), des expositions itinérantes conduites entrel’Océanie, la Métropole et le pays d’origine (Algérie, Maghreb), des idées devoie de libération au contact de peuples autochtones portés par les mêmescauses. De tels engagements puisés dans l’ancien « fond solidaire berbère et arabo-berbère »sont-ils le reflet de mouvements émergents culturels liés à d’autres porteursd’une mémoire commune calédonienne favorisant une certaine mixité, une certainepensée intellectuelle d’idées consolidées, voulant exprimer dans le devenird’un destin commun, l’existence d’« un fond solidaire en déplacement » ? Bien que fortement impliquées dansle devenir du destin commun de Nouvelle-Calédonie, les nouvelles orientations sont soumisesà des transformations fragilisant les anciennes structures de l’ancienne assemblée tajmaât.
Les écrivains grecs d’Australie : enjeux éditoriaux
Stéphane SAWAS
Sorbonne Paris Cité, Professeur, CERLOM / INALCO
Les textes des écrivains grecs d’Australie bénéficient d’une diffusion très diverseau sein du lectorat tant anglophone qu’hellénophone des antipodes. Le critèrede la langue d’écriture est parfois surestimé dans l’évaluation de cettediffusion, la traduction insufflant des stratégies éditoriales différenciées d’unauteur à l’autre.
Cette communication se propose d’étudier les dynamiques à l’œuvre dans le cataloguedes éditions Owl Publishing, établies à Melbourne, qui se donnent pour missionde valoriser dans le Pacifique Sud la littérature de la diaspora grecque.
Les Rapanui à Tahiti. Histoire de migration, de terres et de parenté
Diego MUÑOZ
EHESS, Doctorant, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
En 1872 les missionnaires catholiques du Sacré Cœur du Picpus quittent l’île dePâques avec 251 insulaires, soit plus de la moitié de la population. C’est ledébut de la diaspora Rapanui en Polynésie. Au cours des 10 années suivantesquatre colonies de Rapanui se sont formées en Polynésie : une à Mangaréva, uneautre à Moorea et deux à Tahiti. Même si ces colonies ont connu une fortemortalité, les survivants se sont regroupés autour de la mission catholique àTahiti. En 1887 les missionnaires vendent à vingt-cinq Rapanui un domainefoncier appelé Pamata’i, situé dans l’actuelle commune de Faaa. Cet évènementest au fondement de plus d’un siècle d’histoire de liens entre les Rapanui etTahiti.
Dans cet exposé nous analyserons l’histoire de migration des Rapanui à Tahiti aulong du XXème siècle. Au-delà des évènements particuliers, ce qui nousintéresse est de comprendre les liens que les Rapanui ont établis avec lesterres de Pamata’i et la place de celles-ci dans leurs flux migratoires enPolynésie. Nous pouvons qualifier ces liens de mémoriels, de parenté et de propriété.En effet, les terres de Pamata’i sont devenues la raison première de lamigration et l’installation des Rapanui à Tahiti. Ainsi les récits actuels surla parenté et notamment la fabrication des généalogies construisentl’argumentaire des revendications de droits sur ces terres.
Cette histoire de diaspora nous permettra de comprendre la complexité des fluxmigratoires entre l’île de Pâques et la Polynésie française et les enjeuxd’ordre identitaires, économiques et affectifs dans les rapports que lesRapanui entretiennent avec la Polynésie.
Une diaspora française en Australie ?
Fabrice ARGOUNÈS
Université Paris 13, Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim
L'immigration française en Australie apparaît assez éloignée de l'idée de diaspora dansl'espace asiatique et pacifique. Ce sujet correspond à un des axes de lapréparation d'un ouvrage sur les relations entre France et Australie depuis ledébut du XXe siècle.
Cette proposition repose plus particulièrement sur l'invention et le développement dela « colonie française » d'Australie et sur les Français en Australiedans la première partie du XXe siècle, et les questions politiques etculturelles qui sont liées à ces Français.
Plus précisément, il s'agit de mettre en valeur un objet d'étude légitime et lessources qui lui sont associées.
Genre, personne, corps et parenté
Pascale Bonnemère
Il est bien connu que les matériaux ethnographiques recueillis en Océanie(Australie comprise) ont alimenté de nombreuses théories générales depuis unecentaine d’années. Que l’on pense à l’Essai sur le don de Mauss, aux Formesélémentaires de la vie religieuse de Durkheim, aux écrits de Malinowski et deMead sur la sexualité, au débat sur l’impossibilité d’appliquer les théoriesafricanistes de la filiation aux sociétés de Nouvelle-Guinée1, auxtravaux sur les représentations des substances corporelles, aux analyses desinitiations masculines, à la déconstruction des catégories occidentalesutilisées pour penser le genre et la personne menée par M. Strathern2,il est difficile de trouver un domaine de la pensée anthropologique qui ne seserait pas appuyé d’une manière ou d’une autre sur des matériaux océaniens pourapprofondir certaines questions et renouveler les approches existantes.
Dans le but de faire un point sur les travaux océanistes actuels en anthropologie dugenre et de la parenté, les organisatrices de cette session souhaiteraientencourager toute communication fondée sur des matériaux ethnographiques depremière main et replaçant leur analyse dans les débats contemporains et/oul’histoire de la discipline. Le domaine est large : relations de parenté,nomenclatures, échanges du cycle de la vie, parentalité, adoption, formes denomination, représentations de la distinction masculin/féminin, rituels deconstruction de la personne, représentations de la conception et de lacroissance, règles d’alliance et réalité des unions matrimoniales, formes derésidence, etc.
[1] Barnes, J. A., African Models in the NewGuinea Highlands, Man 62 : 5-9, 1962.
[2] TheGender of the Gift: Problems with Women and Problems with Society,Berkeley: University of California Press, 1988.
Termes de parenté aliénables ou inaliénables et reconduction socialechez les Paimboas (Nouvelle-Calédonie)
Dominik BRETTEVILLE
Université Catholique de l'Ouest
A propos du vocabulaire de parenté des 'Aré 'aré de Malaita, Daniel de Coppetécrit que la relation de sexe relatif de sexe opposé « porte en elle la qualitéd'un tout hiérarchisé et donc aussi la capacité de pérenniser ce tout » ; etd'ajouter que cette relation est à même « d'exprimer et de mouvoir une société» .
Cette analyse inspirera l'examen du vocabulaire de parenté d'une autre sociétémélanésienne, les Paimboas, pour considérer les implications de la relationfrère/sœur en tant que relation de sexe relatif de sexe opposé. Cetteterminologie de langue zuanga présente une symétrie dans la configuration destermes des côtés paternel et maternel d'Ego masculin ou féminin ; par contre,le caractère aliénable ou inaliénable du vocabulaire révèle un déséquilibredont l'orientation fait écho aux représentations locales de la vie humaine etau sens des prestations funéraires. Les funérailles d'Ego étant par ailleursindissociables de la fête des prémices de l'igname et du caractère cyclique dela culture de ce tubercule, on verra en quoi l'interdépendance etl'enchaînement des cérémonies constituent l'ordre supérieur d'un cycle rituelqui régit chacune de ces cérémonies et rend compte du mouvement global de lasociété.
L’inflexion partielle omaha des Kasua de Nouvelle-Guinée face aux faitsde la modernité
Florence BRUNOIS
CNRS, LAS
La société kasua, dont les membres habitent la partie septentrionale du Mont Bosavi dans la province des Southern Highlands de Papouasie-Nouvelle-Guinée,propose une des nombreuses variantes régionales d’une terminologie de parentéde type iroquois à inflexion omaha. Ainsi, à l’image du système kaluli –tribu limitrophe dont la majorité des clans patrilinéaires kasua est originaire–, l’inflexion omaha est partielle à double titre. D’une part, elle nes’exerce que lorsque la cousine croisée matrilatérale met au monde son premierenfant. Celui-ci est alors appelé «sœur » ou « frère » par Ego, leur mère soudainement nommée « mère » et non plus« cousine croisée ». D’autre part, elle ne s’applique limitativement qu’auxcousines croisées matrilatérales et non à leurs frères, les cousins croisésmatrilatéraux.
Ce système de terminologie de parenté induit logiquement une règle d’allianceproscrivant tout mariage avec ces cousines croisées ; les commentairesrecueillis au début des années 1990 sur cet interdit sont d’ailleurssystématiques : « elles partagent le même sang » ; « elles empruntent le même chemin ». La cosmogoniekasua comme les rituels ponctuant leur quotidien illustrent une même conceptiondes corps et des processus devant gouverner la régénération des êtres habitantleur territoire tribal. Elle s’étend même aux tribus limitrophes et ennemiesavec lesquelles les Kasua refusent tout échange réciproque et a fortiori, toutealliance matrimoniale. D’ailleurs, ils invoquent volontiers leur différence : «“nous”, nous ne nous marions pas avec nos cousines croisées matrilatérales,elles sont trop proches. L’enfant ne supporterait pas nos sangs. Ce n’est pascomme les Fasu ! “Eux”, ils semarient là, avec ces cousines ».
À la lecture de ces données, les mariages récents des Kasua avec les Fasu nousinterrogent. Ce phénomène contemporain traduit-il – trahit-il – unautre phénomène tout aussi remarquable que celui de la disparition del’inflexion omaha ? L’adoption de la cosmogonie chrétienne participe-t-elle decette même transformation régionale ? Et qu’en est-il de l’incidence desprojets de développement qui fleurissent également dans cette région de laNouvelle-Guinée ?
C’est à toutes ces questions que cette intervention cherchera à répondre pour tenterd’isoler les facteurs ayant incité-suscité la flexion de l’inflexion omaha dansle système de parenté kasua face aux faits de la modernité.
Sociétés à maisons ? Le cas de Mere Lava, îles Banks, Vanuatu
Marie DURAND
Université d’East Anglia, Sainsbury Research Unit
Formulée par Lévi-Strauss à partir du modèle de la maison aristocratique, la notion de «maison » comme entité morale permettant de résoudre les tensions entre desprincipes antagonistes dans le champ de la parenté est aujourd'hui largementréévaluée. Si le modèle de la « société à maisons » a fait l'objet de critiquesquant à son utilisation parfois trop large, certains anthropologues tels queJanet Carsten, Stephen Hugh-Jones ou plus récemment Klaus Hamberger soulignentnéanmoins la pertinence de la « maison » comme isomorphe spatial desconceptions sociales et notamment des relations d'alliance. Objet physiqueautant que métaphorique, la « maison » est donc dans certaines sociétés unélément fondamental qui articule les perspectives des groupes et matérialiseles idées qui sous-tendent les dynamiques sociales.
A Mere Lava dans les îles Banks au Vanuatu, les relations d'alliance entre lesmatrilignées sont matérialisées de façon privilégiée par les grandesmaisons-cuisines, n-eang kuk. A travers la description de la structurearchitectonique conventionnelle de ces constructions, l'exposé montrera commentcelles-ci articulent ensemble divers éléments constituant les relationssociales. Au delà d'une vision symbolique de l'organisation spatiale, l'accentsera mis sur les processus de construction qui caractérisent à la fois desmaisons relativement temporaires et régulièrement rebâties, et une organisationsociale constamment renégociée, dont la stabilité repose notamment sur lagestion appropriée des alliances.
La catégorie du « sorcier » à Malekula, Vanuatu. Analyse structurale de l’antisocial
Laurent DOUSSET
EHESS, Maître de Conférences, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Les médias rapportent ces derniers mois, en particulier pour la Mélanésie, unerecrudescence de la sorcellerie et des violences associées. Il y a quelquessemaines encore, des femmes papoues furent accusées d’actes de sorcellerie etpubliquement exécutées. L’intensification des accusations de sorcellerie n’estpas une observation récente et fut, en particulier pour l’Afriquesub-saharienne, associée à la construction nationale des Etats postcoloniaux, àdes situations d’instabilité politique, à la rencontre entre formestraditionnelles et modernes du pouvoir, ou encore à l’émergence d’inégalitéséconomiques nouvelles fondées sur un capitalisme émergent. D’autres théories aucontraire proposent des explications qui sont davantage « universelles » et quiapprochent le phénomène de la sorcellerie par la psychanalyse ou les sciencesde la cognition, ou bien l’expliquent comme un élément fondamental de toutepensée religieuse.
Encombinant des approches historiquement et culturellement situées avec certainesthéories dites « universalistes », cet exposé tentera de dégager la logiquesous-jacente à la catégorie du sorcier et de la sorcellerie en la situant dansses rapports multiples (au corps, au groupe de parenté, à la « morale »). Ils’agira de montrer qu’en adoptant une approche d’inspiration structurale (quin’est pourtant pas du ressort habituel de l’auteur de l’exposé), la sorcelleriese dévoile comme une composante essentielle de tout « système » social (etfigure donc parmi ses caractéristiques dites « universelles ») car, en pensantet craignant le contraire, elle permet de reproduire et de transmettre cesvaleurs. La logique de ces rapports multiples, qui nous semble inhérente à lasorcellerie, sera ensuite replacée dans le contexte spécifique de l’île deMalekula à Vanuatu, en illustrant dans quelle mesure elle est devenue unetechnologie dans la fabrication d’un tissu social recomposé.
L’adolescence masculine aux Tuamotu du nord-est : un révélateur dela dynamique du genre et de la personne en Polynésie
Hina GRÉPIN-LOUISON
ISEPP-UCO Pacifique
Aucontraire du reste du monde et notamment de la Mélanésie et de ses ritesinitiatiques, en Polynésie, c'est l'adolescence féminine sur laquelle on aécrit, trop écrit : depuis les premières illusions sur une éducation del'amour-libre donnée-imposée aux filles, telle que rapportée par lesexplorateurs, relayée au début du XXème siècle par Handy puis par M. Mead, le côté masculin fut oublié.
Pourtant,le taure'are'a, le jeune Polynésien, occupe les scènes diurne etparticulièrement nocturne de la vie aux Tuamotu du nord-est. Structurels plusque dysfonctionnels, ses agissements tissent la trame des microsociétéspaumotues contemporaines.
À partir de deux monographies de terrain menées pendant deux ans à Tatakoto et àPukapuka de 1996 à 1998, l’exposé se propose d'illustrer la place et le sensque revêt l'adolescence masculine dans la dynamique identitaire paumotue.
Des initiations en parallèle : le cycle de la vie des garçons et desfilles chez les Baruya (Papouasie-Nouvelle-Guinée)
Pascale BONNEMÈRE
CNRS, Directrice de Recherche, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Chezles Baruya de Papouasie Nouvelle-Guinée, les garçons et les filles doiventsubir des rituels initiatiques, qui ont été interprétés par Maurice Godelier(1982) comme des institutions de maintien et de reproduction de la dominationmasculine. Chacun de son côté et selon des modalités différentes, ilsatteignaient ainsi l’âge adulte et étaient préparés à leurs futurs rôles etdevoirs.
Ense fondant à la fois sur des matériaux ethnographiques de première mainrecueillis en 2010 et sur des informations figurant dans les carnets de notesde terrain de cet anthropologue, l’exposé vise à tester une hypothèse émiselors de l’analyse de matériaux ethnographiques recueillis chez les Ankave, unautre groupe de l’ensemble anga, selon laquelle c’est en modifiant la teneurdes relations qu’ont les garçons avec certaines catégories de personnes que lerituel les transforme en hommes adultes et les font changer de statut.
Ici,il s’agira de prendre en compte dans l’analyse des informations reléguées ausecond plan jusque là, qui révèlent que les garçons et leurs sœurs dans unpremier temps, puis les jeunes gens et leurs futures épouses dans un second,subissent des épreuves en parallèle, dans des lieux séparés mais au mêmemoment.
Cetteorchestration de l’accompagnement du développement des garçons et des fillesrévèle une conception des relations frère-sœur et plus largement de la personneet du genre qui met l’accent sur l’interdépendance des parcours des individusdes deux sexes, plutôt que sur leur étanchéité.
Les Fidjiennes sont-elles des mères porteuses ?
Simonne PAUWELS
CNRS, Chargée de Recherche, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Cettecommunication posera la question du statut de la femme, sœur des uns et épousedes autres. Les rituels de mariage et les funérailles dans l’île de Lakeba(îles Lau, Fidji) montrent que l’épouse est une étrangère et qu’elle le resteaprès avoir donné des enfants au groupe de son époux et même à sa mort. Ellen’est pas donnée mais en quelque sorte prêtée pour procréer. À son décès, lesmembres de son groupe d’origine viennent la chercher afin de l’enterrer auxcôtés de ses frères dans un cimetière éventuellement différent de celui de sonmari. Lorsqu’elle survit à ce dernier, ses frères vont également la cherchermais peuvent se laisser convaincre, si ses enfants sont encore petits, de venirla quérir plus tard.
Àsa mort, une personne sera enterrée seulement après que sa dépouille a séjournéau moins quelques heures dans la maison d’où était originaire sa mère. Elle yretourne donc en tant que fruit et témoin du pouvoir procréateur de cettefemme. Si la dépouille arrive de l’extérieur de l’île en avion ou en bateau, cesont les membres du groupe d’origine de la mère qui la réceptionnent àl’aéroport ou à la jetée.
Demultiples prestations accompagnent ces mouvements d’engendreuses etd’engendrés. Toutes disent quelque chose sur le statut étranger de la femmedans le mariage et sur sa nécessaire irréversibilité. La question de savoir sisa qualité procréatrice ne vient pas précisément de son étrangeté, de sonaltérité, sera posée.
L’ensembledes faits sera mis en miroir avec la strangulation d’autrefois de la veuve d’unchef par ses propres frères. Comme si, parce qu’elles sont les épouses deschefs, elles sont données et non prêtées. Serait-ce parce que les chefseux-mêmes sont les étrangers (voir le « stranger king » de Sahlins) ?
Aujourd’huices questions peuvent mener à l’incident diplomatique lorsqu’un chef épouse unefemme-chef, comme se fut le cas pour Ratu Mara, chef suprême des Lau, et AdiLala, femme-chef suprême de Rewa. Les gens des Lau répètent à l’infini qu’elleaurait dû être enterrée à Lakeba, siège de la chefferie des Lau.
Finalement,ce sera la question de l’altérité dans la procréation qui sera posée.
Les femmes kanak paicî au cœur des échanges matrimoniaux et desprocessus sociaux de reproduction des lignages
Isabelle LEBLIC
CNRS, Directrice de Recherche, LACITO
Enpays paicî, l’alliance concerne en principe des lignages de deux moitiésmatrimoniales exogames nommées, les Dui et les Bai. Dans cette société oùl’idéologie patrilinéaire prédomine, où ce sont généralement les hommes quidécident des alliances, il n’en demeure pas moins que les femmes y jouent unrôle de premier ordre. Elles sont au cœur des processus sociaux de reproductionet donc, en ce sens, placées presqu’automatiquement dans l’alliance :
- en tant que sœurs, elles sont lechemin de leurs frères pour obtenir une femme, ce que l’on dit näigé en paicî ;
- en tant qu’épouses, ellespermettent au lignage de leur époux d’avoir une descendance et c’est là, qu’unefois décédées, elles deviendront ancêtres.
Celane signifie pas qu’il n’y ait pas de gestes effectués par le lignage de lafemme pour son installation sur les terres de son époux. Ce sont ces gestes quigarantissent son intégration à part entière dans le lignage de l’époux, toutcomme ceux faits lors d’une adoption permettent à l’enfant adopté de trouver toutesa place dans sa nouvelle parenté. Et ceux-ci varient en importance selon quel’on suit une route ancienne ou que l’on en ouvre une nouvelle.
Parailleurs, l’adoption (cette fois-ci d’un adulte ou d’un groupe entier) estégalement le moyen d’intégrer des étrangers dans sa parenté.
Histoire et anthropologie des relations entre christianisme et cultures océaniennes
Yannick Essertel et Yannick Fer
Cette session propose une étudetransdisciplinaire des relations nées du contact entre le christianisme et lescultures océaniennes. La rencontre entre cultures océaniennes et christianismen’est plus aujourd’hui, à de très rares exceptions, un fait d’actualitédirectement observable par l’anthropologue. Pour le passé, il faut doncrecourir à l’histoire, c’est-à-dire essentiellement au formidable gisement desdépôts d’archives religieuses tant en France, qu’en Angleterre et en Océanie.La diversité des sources (lettres, journaux, ouvrages ethnographiques, travaux linguistiques,collections d’objets, photographies…) peut rendre compte de la nature descontacts noués, au XIXe siècle, entre les Eglises chrétiennes et lespopulations océaniennes, ainsi que de leurs effets sur les cultures locales.Certes, il y a une difficulté : celle du degré de compréhension de l’autre danssa dimension culturelle, par le missionnaire qui reste un « étranger » aumilieu qu’il évangélise, tout du moins dans les débuts de sa mission.Cependant, le missionnaire est par définition dans une situation d’interactionculturelle qui a ses propres spécificités. Dans ces conditions, comme l’écritLaurent Dartigues, le texte missionnaire « devient un espace d’échanges » quienregistre les produits de l’interaction et pas seulement les présupposés oules projections des missionnaires. Ce premier point de la session s’intéresseradonc à l’histoire, et tout particulièrement à ce que les différents types desources missionnaires peuvent apporter à notre compréhension des relationspassées entre christianisme/cultures océaniennes et des transformationsréciproques qui ont résulté de ces contacts.
Le second point abordé lors de cette sessionporte sur les relations que les différentes expressions du christianismeentretiennent avec les cultures locales. Il s’agit d’un objet d’étudeessentiel, qui peut contribuer à éclairer – au-delà du champ religieuxstricto sensu – la compréhension des sociétés océaniennes contemporaines.La « tradition chrétienne » océanienne incarnée par les églises anciennes(églises protestantes et catholique issues des missions du 19ème siècle)interagit localement avec les formes traditionnelles de l’autorité, lesstructures de parenté, le rapport à la terre et à la mémoire culturelle. Ceschristianismes locaux sont confrontés depuis les années 1980 à la progressiond’un ensemble d’expressions concurrentes du christianisme mondial –mormones, adventistes, évangéliques et charismatiques. Tout en étant souventperçu localement comme l’un des socles symboliques d’une identité nationale ouculturelle commune, le christianisme participe ainsi de la pluralisation desidentités et des appartenances, en particulier dans des contextesd’urbanisation, de migrations (internes et internationales), et detransformations socioéconomiques. Cette session vise à donner un aperçu le pluslarge possible de ces terrains d’enquête et à réfléchir, dans une perspectivedynamique et comparative, sur les articulations actuelles entre christianismeet culture en Océanie.
Reconfigurations des rapports de genre au sein des églises protestantes polynésiennes de Nouvelle-Zélande
Gwendoline MALOGNE-FER
Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL, CNRS-EPHE)
L’objectif de cette communication est d’analyserles répercussions des migrations polynésiennes en Nouvelle-Zélande –principalement dans la région d’Auckland – en termes de pratiquesreligieuses, d’organisations ecclésiales et de redéfinition des rapportssociaux de sexe. Parmi les Polynésiens immigrés en Nouvelle-Zélande, lesparoisses sont parfois considérées comme de « nouveaux villages », soulignantle rôle prépondérant des églises dans le maintien des liens communautaires.Pour autant, le rattachement des paroisses polynésiennes aux églisesprotestantes néo-zélandaises implique l’acceptation de certaines règles quidiffèrent sensiblement de celles des églises protestantes des pays d’accueil :l’accession des femmes aux ministères pastoraux est ainsi autorisée depuisplusieurs décennies en Nouvelle-Zélande mais encore difficilement acceptabledans les églises protestantes des îles de Polynésie. Cette configuration placeles femmes polynésiennes pasteures en Nouvelle-Zélande dans un entre-deuxdifficile à tenir.
Après avoir rappelé les conditionshistoriques et sociales des migrations des Polynésiens en Nouvelle-Zélandedepuis la seconde guerre mondiale et le rôle joué par les femmes polynésiennesdans ces migrations, je montrerai comment la présence des Polynésiens enNouvelle-Zélande, associée à un fort déclin démographique des églises de Pâkehâ(Néo-zélandais d’origine européenne) entraîne de profondes mutations du paysagereligieux néo-zélandais et une transformation des modes de fonctionnement deséglises protestantes. Depuis les années 1980, au nom du respect des différencesculturelles, les églises méthodistes et presbytériennes ont mis en place dessynodes polynésiens qui obligent les acteurs à s’engager dans une démarche de(re)définition de l’authenticité culturelle polynésienne. Ce processusd’institutionnalisation de la diversité culturelle ou « ethnique » au sein deces églises entre en dissonance avec la diversification des parcoursindividuels et place les revendications d’égalité entre les hommes et lesfemmes au cœur du processus d’acculturation.
Tentatives de contextualisation de la liturgie chrétienne en milieu protestant
Gilles VIDAL
Institut Protestant de Théologie– Montpellier
Au-delà du caractère à première vue anecdotiquede la substitution, dans certaines Eglises protestantes océaniennes, desespèces « canoniquement » reconnues (pain et vin) lors de la célébration duRepas du Seigneur par des espèces locales (igname ou fruit à pain et noix decoco), certains projets liturgiques contemporains entendent inventer un rapportfondamentalement nouveau à la tradition héritée du christianisme missionnaire.Il s’agit ici d’une transformation d’une ritualité reconnue universellement parconsensus œcuménique en un rite spécifiquement inscrit dans une cultureconsidérée avant tout dans sa singularité. A travers quelques exemples dedéroulement liturgiques empruntés à des aires culturelles différentes (Mélanésie et Polynésie) produits par des individus ou des institutions, cette contributionentend analyser les fondements idéo-théologiques et évaluer la portée de cesinnovations d’un point de vue socio-anthropologique.
Conversion personnelle et liens familiaux en milieu pentecôtiste polynésien : Réflexions méthodologiques sur uneexpérience intermédiaire
Yannick FER
Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL, CNRS)
Dans les îles polynésiennes, l’inventionbiographique promise par le discours évangélique de la conversion (la « nouvellenaissance ») introduit au moins symboliquement une rupture entre l’individu etles structures sociales locales dont il était jusque-là partie prenante. Apartir du cas d’une petite église pentecôtiste de Polynésie française, cettecommunication visera à préciser les conditions et les limites de cetteindividuation religieuse, en décrivant une expérience intermédiaire oùl’enchantement d’une « relation personnelle à Dieu » se construit àl’intersection de la communauté d’église (la « famille en Christ ») et desrelations sociales ordinaires, c’est-à-dire en premier lieu au sein de laparenté. La famille reste en effet le terrain principal où se négocient laplausibilité et la stabilité de l’émancipation individuelle promise par laconversion pentecôtiste. Et la nouvelle respectabilité que les convertisespèrent obtenir au prix d’un effort de « remise en ordre » de leur existencepersonnelle implique in fine une forme de reconnaissance familiale et sociale.
L’analyse de ces processus complexes supposede dépasser une opposition théorique trop rigide entre changement religieux etcontinuité culturelle. Le cas de cette église polynésienne invite également àassocier l’analyse sociologique de la socialisation pentecôtiste et unecompréhension anthropologique de la société insulaire – notamment lesliens entre parenté et propriété foncière, qui déterminent pour une bonne partles contours de la « nouvelle naissance » pentecôtiste.
Identités et Différences. Représentations féminines lors des premiers contacts entre épouses missionnaires et Polynésiennes
Deborah POPE
EHESS, Doctorante, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Cette communication propose de retracer lesrelations établies en Polynésie entre les premières Européennes qui onttenté de s'établir durablement dansces îles – les épouses des premiers missionnaires de la London MissionarySociety (LMS) à Tahiti et dans les archipels avoisinants – et lesPolynésiennes qui s'y trouvaient. Dès le début, la LMS a considéré que lesfemmes de leurs missionnaires avaient un rôle vital à accomplir au sein del'entreprise missionnaire, surtout par rapport à leurs sœurs polynésiennes. Eninstruisant et moralisant ces dernières, elles construiraient les fondations dela transformation sociale que ces missionnaires évangéliques jugeaientindispensables pour accompagner et soutenir la conversion au christianisme. Enmême temps, les épouses de la LMS confrontées à un monde étranger, souventeffrayant, aussi bien physiquement que moralement, avaient beaucoup à apprendreet à gagner sur le plan pratique et affectif, en côtoyant les femmes des cessociétés.
Mon but est d'explorer la complexe réalitéféminine des premières années de la mission, en tenant compte à la fois del'importance des 'sphères distinctes' attribuées aux hommes et aux femmes dansle renouveau religieux de l'époque en Grande Bretagne, l'origine de l'actionmissionnaire dans le Pacifique, et les renseignements que l'on peut puiser dansles récits des premières rencontres sur la vie et le rôle des femmes dans laPolynésie orientale d'avant ce contact, qui semblent aussi refléter une sociétédans laquelle les hommes et les femmes occupaient des fonctions distinctes etséparées. De prime abord, la relation entre ces deux mondes féminins –britannique et polynésien - peut paraître conflictuelle : le mythe de la vahinesexuellement attirante et accessible existait déjà, véhiculé dans les récitsd'explorateurs et de voyageurs européens, tandis que les attitudes envers lesfemmes et la sexualité féminine devenaient de plus en plus puritaines en cettefin du dix-huitième siècle en Angleterre, surtout dans les milieux évangéliquesdu renouveau religieux. Pourtant, une étude approfondie permet de révéler uneproximité et une interaction entre ces deux réalités féminines qui laisseraientune trace durable dans ces communautés insulaires.
Approche historique etanthropologique de l’échec temporaire de l’implantation d’une missioncatholique : la première mission mariste et le malentendu Kanak (1947-1853)
Yannick ESSERTEL
Docteur HDR en histoire, Chercheur associé au CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Le 21 décembre 1843, le Bucéphale dépose MgrDouarre, les pères Pierre Rougeyron et Philippe Viard et les frères à Balade enNouvelle-Calédonie. L’évêque qui croyait trouver des Protestants constatequ’ils sont absents et même qu’ils ont abandonné des postes après avoir tentéune implantation. Les Maristes débarquent dans un secteur resté à l’écart detout contact. Néanmoins, les premières rencontres sont rassurantes. Accompagnédu Père Viard qui l’initie aux langues locales, Mgr Douarre visite l’intérieurde son vicariat entouré de kanak au milieu des quels il dit être en parfaitetranquillité et sûreté. Il reçoit partout un accueil chaleureux et visiblementspontané. Les missionnaires comme le père Rougeyron sont très impressionnés parle respect qu’ils inspirent aux chefs et aux populations. En somme, au départrien ne semble venir mettre en difficulté la stratégie d’évangélisation deDouarre. Il travaille sur un territoire où les enjeux géopolitiquesinternationaux sont faibles.
Or, les travaux de Frédéric Angleviel, deClaude Rozier et d’Alain Saussol ont fait connaître les difficultés presqueinsurmontables que les Maristes rencontrent pour implanter une Eglise locale.Le journal de Douarre, conservé aux archives maristes de Rome, ses lettres, etcelles du père Rougeyron nous livrent sa « stratégie » et ses multiples échecs.L’évêque note, jour après jour, les étapes de son installation puis dudéveloppement de son vicariat. A chaque page, alternent ses espoirs et momentsde découragement. En cette période pionnière d’introduction du christianisme,l’évêque ne voit pas les fruits de son action évangélisatrice se concrétiser.Les résultats sont minces au regard des efforts déployés par les Maristes.
En réalité nous nous trouvons en pleinmalentendu. Le malentendu est double : les Kanak ne comprennent pas qui sontces hommes qui débarquent et d’où ils viennent. Les missionnaires apprennentque les kanak les confondent avec leurs ancêtres et leur attribuent despouvoirs particuliers. D’une part, le comportement des chefs kanak reste unmystère pour Douarre, surtout en ce qui concerne la question des donsd’ignames. D’autre part, les cosmogonies respectives radicalement différentesne permettent pas à Douarre de résoudre le malentendu kanak. Il en résulte uneméprise grave à l’égard du baptême qui est perçu comme un rite contre lamaladie et la mort par les habitants.
Ainsi, cette communication veut tenter decomprendre les mécanismes d’un malentendu qui a abouti à la destruction del’œuvre de Douarre.
Sources de missionnaires à Hawaii : transformations des systèmes de représentation occidentaux et polynésiens de la valeur travail et du loisir balnéaire (1820 1890)
Jérémy LEMARIÉ
Université de Paris OuestNanterre la Défense (Sophiapol), Doctorant contractuel, Chercheur associé au Centre de Recherche du Surf (CSR) à l’université d’État de Californie à SanDiego (SDSU)
À partir de la découverte des îlesSandwiches en 1778 par le capitaine Cook, la société hawaïenne entreprit deprofonds changements structurels issus de l’interaction avec la civilisationoccidentale. Cette rencontre modifia également le système de représentation desvoyageurs et des missionnaires calvinistes qui étaient présents sur l’archipelà partir de 1820. Bien que les journaux ethnographiques et carnets de voyageanglophones constituent une source de premier choix pour étudier les échangesculturels, on remarque que les historiens et anthropologues renoncent souvent àtraiter des archives hawaïennes composées par les missionnaires, telles que lejournal bimensuel Ke Kumu Hawaii.
Dans un premier temps, grâce à une étude detexte de la pratique indigène he‘e nalu (surf) au sein des journaux calvinistesrédigés en hawaïen, cette communication tentera de démontrer lestransformations des mœurs protestantes et exogènes concernant les systèmesde représentation du littoral et dela valeur travail. Dans un second temps, alors que le christianisme condamnal’ensemble des pratiques religieuses et rituelles autochtones telles que ladance hula ou le surf he‘e nalu au sein des journaux protestants, nous verronsque les missionnaires tiennent un discours différent au sein de leurs carnetsethnographiques.
Ainsi, par l’histoire des sensibilités etl’anthropologie des systèmes mondiaux, cette communication visera à comprendrecomment et pourquoi une pratique païenne au XIXe siècle se transforma en unloisir transnational au XXe siècle par la mise en exergue de transformationsstructurelles. En somme, à travers l’étude de sources calvinistes rédigées enanglais et en hawaïen, la recherche établit un raisonnement sur la métamorphosedes économies affectives occidentales et indigènes issue de leurs interactions.
L’impact de la christianisation sur le mariage et le genre à Lifou, Nouvelle-Calédonie
Hélène NICOLAS
ATER en sociologie et anthropologie à Rennes 2, CREDO
Le mariage lifou est actuellement un faitsocial total, tant les sommes d'argents, de biens et d'énergie mis en jeu ysont importants. Cette cérémonie est considérée localement comme typique de laculture lifoue.
La recherche historique, en archive maisaussi par recueil de la mémoire orale, montre rapidement que ces rituelsmatrimoniaux sont apparus lors de la christianisation, environ 30 ans aprèsl'arrivée des premiers missionnaires (en 1842). Les mariages tels qu'ils sedéroulent depuis la fin du XXIème siècle à Lifou sont à la fois le fruit despolitiques missionnaires de « réforme des moeurs », et donc, du systèmede genre local, mais aussi la conséquence des transformations sociales plusglobales induites notamment par la christianisation. Par exemple, le caractèreagonistique des échanges lors des mariages est à mettre en lien avecl'apparition de la monogamie, du mariage indissoluble et de la pacificationforcée des clans : la compétition entre les clans s'est exprimée alors dans laqualité du mariage – unique – contracté et dans la puissance monétaire qui pouvait alors s'afficher ;au grand désespoir des missionnaires.
À partir d'une ethno-histoire précise dumariage et de ses transformations, cette intervention souhaite montrer commentla christianisation, avec sa volonté de réformer les cultures locales, voire de« civiliser » les « indigènes », a engendré à la fois destransformations souhaitées et d'autres incontrôlées, en terme de rituelsmatrimoniaux et de genre. Le fait social ainsi produit est aujourd'huiconsidéré par les gens de Lifou comme l'un des traits fondamentaux de leuridentité.
L’intégration régionale autour des trois entités françaises
Nathalie Mrgudovic et Rudy Bessard
L’objectif de cette session est deconsidérer le processus - actuel - d'intégration régionale, des trois entités françaises,mais également des territoires et États du Pacifique Sud. Il doit être envisagéau sens large de la rencontre, de l’échange et de la coopération entre deux ouplusieurs états et territoriens océaniens. Et comment cette première rencontrepeut ou pourrait ensuite évoluer, s’élargir à d’autres États et territoires dela région.
Il s’agira donc d’aborder l’intégrationrégionale de plusieurs points de vue (géographiques et thématiques) etd’envisager des thèmes tels que :
Comment les territoires français envisagent et organisent leurintégration, dans une perspective océanienne, française et européenne. Quelssont les thèmes porteurs qui leur permettent d’établir une coopération avecleurs voisins et avec les organisations régionales (commerce ; coopérationscientifique, notamment sur les préoccupations environnementales (comme lamontée du niveau de la mer pour Wallis et Futuna) ; échange des savoirs,notamment en matière d’exploitation minière ; coopération militaire(perspective de formation, de surveillance des ZEE, d’interventionshumanitaires) ;
Intégration par les organisations régionales et sub-régionales etnotamment la CPS, le FIP, le GMFL
- La CPS : œuvre de rapprochement
- Le FIP : où en est le PlanPacifique ?
- Le Groupe Mélanésien du Fer deLance sous Bainimarama: redéfinition des enjeux océaniens ?
Coopération entre territoires et/ou États insulaires : pourquoi etcomment certains territoires ou États océaniens choisissent d’établir desrelations ? Sur quelles bases ? Dans quels buts ?
Le sub-régionalisme : le « triangle polynésien », le« fer de lance mélanésien », la « Micronésie » : quellesréalités ?
Lieux de rencontres et de partage apolitiques ; promoteurs ou créateursd’identité océanienne ?
- Les Jeux du Pacifique / les minijeux du Pacifique / les jeux de la Mélanésie
- Le Festival des Arts du Pacifique
- Le Festival du Cinéma de La Foa
- Les Églises : facteur d’intégration ou de division régionale ?
- Les acteurs extérieurs et l’intégration régionale : promotion de quelsenjeux ? de quelles valeurs ? de quels intérêts ?
Bien entendu cetteliste n’est pas exhaustive et d’autres sujets, liés à l’idée d’ « intégrationrégionale », seront considérés.
Le Centenaire de la GrandeGuerre : histoire, mémoire et intégration régionale
Viviane FAYAUD
Chercheur associé, Centred’histoire des sociétés, des sciences, des conflits, Université Picardie JulesVerne et du Centre d’Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines,Université de Versailles-Saint-Quentin
« Somewhere between the landing at Anzac and theend of the battle of the Somme, New Zealand very definitively became anation » (Ormond Burton (1893-1974 ; professeur, ministre et pacifiste)
Pour le Pacifique Sud, les célébrations duCentenaire doivent non seulement rappeler sa présence dans la Grande Guerre,mais également souligner l’ampleur des sacrifices consentis : environ 80 000 deses ressortissants (autochtones oucolons) quittèrent leur hémisphère pour rejoindre notamment le Frontoccidental. En conséquence, dans le nord de la France et en Belgique, les îleset les pays de la région ont érigé des monuments, célébrer des cérémonies patriotiques,offert des ex-votos , et mis en valeur ces lieux où a coulé le sang océanien.
Cependant, le Centenaire ne se limite pas àun ensemble de manifestations publiques à petite ou grande échelle ou d’étudessavantes destinées à dresser le bilan de cette participation au conflit, voireà apporter un nouvel éclairage à l’histoire. Il est le site d’un espacesymbolique qui, au-delà du devoir de mémoire, remet en valeur et raffermit desliens historiques entre territoires ou États de la région. La mobilisation desinstitutions, les coopérations culturelles, les actions pédagogiques outouristiques, les accords-cadres ne constituent pas que des rencontresponctuelles à la faveur d’un fait historique d’ampleur mondiale. L’ensembletémoigne de la construction d’un « espace mémoriel partagé dans le Pacifique »,d’un mécanisme d’intégration à dimension culturelle.
Participer à la constructionrégionale pour mieux se maintenir ? La France et la Commission du Pacifique Sud
Sarah MOHAMED-GAILLARD
Inalco, Maître de Conférences en histoire contemporaine
Tout en œuvrant depuis plusieurs années enfaveur de l’intégration régionale de ses collectivités du Pacifique quijouissent par ailleurs de larges autonomies, la France continue à les présentercomme ses vitrines dans la région Asie-Pacifique et à en faire des arguments deses demandes d’adhésion à l’APEC. De prime abord, ses deux discours peuventsembler dissonants, sauf à considérer que la délégation de compétences etl’insertion régionale puissent être des instruments permettant le maintien àmoindre coût (financier, politique mais aussi symbolique) de ses archipels dansle giron français et ce, pour la majorité des acteurs en présence. Il s’agiraitalors de faire le pari du régional pour préserver des intérêts nationaux etlocaux.
Je compte explorer cette hypothèse enrecourant à l’histoire de la France dans la construction régionale duPacifique, plus particulièrement lors de la création et des premières années defonctionnement de la Commission du Pacifique Sud. La mise en perspective dudiscours actuel de la France avec son histoire à la CPS tend donc à évaluerl’évolution de la politique française tant au sujet de l’émancipation de sesterritoires d’Océanie que de sa stratégie de rayonnement en tant que puissance.
Rhétorique et réalité : lescollectivités de la France et leurs voisins du Pacifique sud
Denise FISHER
Australian National University, Visiting Fellow, Centre for European Studies
Les leaders de la France ont annoncé unepolitique d’insertion des collectivités de l’Outre-mer dans leursenvironnements régionaux. La France a fait des progrès solides en assurant laparticipation officielle de ses collectivités dans la gamme d’organismes régionaux,dans la coopération régionale de défense, et en soutenant les collaborationsplus officieuses, telles que culturelles et sportives. Et la France a développél’intérêt de l’Union européenne dans le Pacifique Sud, et dans lescollectivités françaises y présentes grâce aux mécanismes associés aux PTOM.
Mais il reste encore beaucoup à faire. Onpourrait dire que plusieurs aspects de la politique – aide dedéveloppement, commerce, et les mécanismes pour soutenir la participation descollectivités - servent à séparer plutôt qu’à renforcer l’insertion descollectivités dans leur région. En même temps, et plus important, la France n’apas encore finalisé les processus qu’elle a mis en place pour répondre auxdemandes des indépendantistes et des autonomistes en Nouvelle-Calédonie et enPolynésie française, questions résiduelles des jours de controverse régionaleet internationale des années 1980, et qui jette une ombre sur ses autresefforts régionaux. L’acceptation totale de la France par la région, et l’insertionde ses collectivités, exigent la résolution réussie de ces questions, ce qui aété récemment souligné quand les communautés internationale et régionale ontsoumis la question de l’autodétermination de la Polynésie française auxprovisions du Comité de décolonisation de l’ONU.
La volonté d’émancipation des indépendantistes polynésiens pour s’intégrer pleinement à la région Pacifique
Jean-Marc REGNAULT
Université de la Polynésie française, Maître de conférences honoraire, Gouvernance et développement insulaire
En tentant d’obtenir la réinscription sur laliste des territoires non autonomes de l’ONU, les indépendantistes de Polynésiefrançaise, comme leurs homologues de Nouvelle-Calédonie, souhaitent tout à lafois l’émancipation à l’égard de la France – sans toutefois rompre lesliens qui sont les fruits de l’Histoire – et s’affirmer comme pleinementOcéaniens. Il s’agit dans leur esprit, de retrouver les liens que la colonisationa brisés et des possibilités de développement propres que la colonisation abridées.
Les démarches d’Oscar Temaru auprès de l’ONUdepuis trois décennies illustrent cette vision des choses. L’opposition misepar la France, qui ne fait que reprendre celle que Bernard Pons aux démarchesde Jean-Marie Tjibaou, illustre quant à elle une incompréhension d’une attitudequi s’ancre bien et que nous qualifierons « d’océanitude ».
La relation naissante entre les Etats et territoires polynésiens
Sémir AL WARDI
Université de la Polynésie française
Le président de l’assemblée de la Polynésiefrançaise a invité les 6 et 7 mars 2013, huit présidents, ou leursreprésentants, des Parlements Polynésiens (Cook, Niue, Tonga, Tuvalu, Samoa,Samoa américaines, Rapa Nui et Wallis et Futuna). Pour la première fois, unaccord a été conclu entre des Polynésiens séparés par les différentescolonisations. Il manquait toutefois les Hawaïens et les Néo-Zélandais.
Chaque délégué a présenté la vie politiquede son pays. Ainsi, au delà des différences, une vision politique a émergé :rapports affectifs, clientélisme, nomadisme politique… il s’agira doncd’analyser à la fois ce nouveau rapprochement et ce fond polynésien dupolitique.
Le Groupe du Fer de Lance Mélanésienen 2013 : Bilan politique
Nathalie MRGUDOVIC
Aston University (GB)
Alors que le Groupe du Fer de LanceMélanésien célèbre ses 25 ans cette année, l’heure est donc au bilan. Depuisson émergence en 1986, le GFLM a développé une approche unique, affirmée maiségalement progressive pour exprimer son subrégionalisme. Basé sur une série deprincipes fondateurs, l’affirmation identitaire mélanésienne repose notammentsur un agenda politique de soutien à l’émancipation des peuples mélanésiens.Or, en 2013, le Fer de Lance se trouve confronté à certaines contradictions quiaffectent sa légitimité, notamment en ce qui concerne de nouvelles entités,États ou pas, susceptibles de rejoindre le GFLM, à un titre ou un autre. Lefait que le FLNKS en soit un membre, non-étatique, soulève ainsi la question dela nature intergouvernementale du groupe. D’autant plus que laNouvelle-Calédonie est de plus en plus courtisée par le groupe mélanésien. Laquestion de la Papouasie occidentale, dont la lutte indépendantiste appelleraitnormalement l’adhésion complète du GFLM à cette cause révèle en réalité desintérêts stratégiques qui pourraient mettre à mal la légitimité politique duFer de Lance. Directement liée à cette question est celle de l’ouverture dugroupe à l’Indonésie désormais observateur auprès du Fer de Lance.Parallèlement, la récente présidence du Fidjien Bainimarama a suscité lasuspicion quant aux intentions fidjiennes. Elle a poussé le groupe mélanésien àredéfinir le concept d’intégration régionale en tentant de l’éloigner des deuxpuissances régionales et de le recentrer sur l’ensemble insulaire océanien.Vingt cinq ans après sa création, le groupe a pris conscience d’une nécessaireintrospection ébauchée par un groupe mélanésien de ‘Personnes Éminentes’. Nous enanalyserons les stratégies proposées.
Hégémonie et intégration régionale
Fabrice ARGOUNÈS
Sciences Po Bordeaux, Université Paris 13, Centre Emile Durkheim
La question de l’intégration régionale dansle Pacifique connaît une évolution majeure depuis la fin des années 1990 et leréinvestissement de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande dans lesorganisations régionales. Notre proposition d’intervention repose sur lacompréhension des processus de domination à l’œuvre au sein du Forum des Ilesdu pacifique dans la période contemporaine, à travers la promotion de nouvellesnormes, économiques, sociales, interventionnistes et de gouvernance, dansl’ensemble de l’espace pacifique, et en particulier en Mélanésie.
A partir des interventions australiennes etnéo-zélandaises au sein du FIP mais également autour des processus derésistance des Etats insulaires, nous cherchons en particulier à mettre enlumière l’importance de la maîtrise des structures régionales pour accompagnerun processus de construction d’une hégémonie régionale. Mais, à partir del’approche critique dite « néogramscienne » sur l’hégémonie, portée enparticulier par les travaux de Cox, nous prenons également en compte leslimites de ce processus, et les nouvelles « concurrences normatives » liées auxacteurs émergents et à l’insertion du monde Pacifique dans un espace asiatiqueet pacifique plus large.
Transformations et enjeux politiques dans le Pacifique français
Rudy BESSARD
Université de Pau
L’élaboration de politiques d’intégrationrégionale et de coopération entre les territoires français du Pacifiquenécessite la prise en compte des mutations relatives aux nouveaux rapports de forceplanétaires générés par les phénomènes de la mondialisation, de la révolutiontechnologique et du changement climatique.
D’une part, les questions de la géopolitiquedes ressources, de la démocratie numérique ou de la régulation environnementale(« politiques de la nature ») représentent des problématiques incontournablesdans la définition de stratégies éducatives, scientifiques, économiques et/ouculturelles entre les entités politiques du Pacifique. Le développement d’unleadership transformationnel représente ainsi un potentiel de coopération,d’échanges et d’intérêts réciproques entre l’Etat et les Collectivitésd’Outre-mer (COM) du Pacifique.
D’autre part, les transformations à l’œuvredans la « société en réseaux » recomposent l’univers des pratiques sociales etpolitiques au sein des territoires français du Pacifique. La compréhension destransformations par les élites politiques et la population en Polynésiefrançaise illustre l’appropriation d’enjeux politiques renouvelés.
Présentation du projet « MOANANUI » : développement durable, désenclavement et mise en valeur desspécificités culturelles dans le Pacifique sud
Christophe MERCIER
Association AVEI'A VAKA, Projet MOANA NUI
Depuis 1976 où la pirogue Hokule'a arrivaittriomphante dans le port de Papeete, le « revival » de la NavigationOcéano-Polynésienne a produit des projets qui ont véhiculé une fiertéidentitaire, rattachée à une volonté affichée de protection del'environnement...
Cependant, nombre de projets mal conçus ontparfois contribué à discréditer les savoirs ancestraux de navigation...
Bénéficiant des essais-erreurs desdifférents « projet-pirogues », le projet MOANA NUI souhaite valoriser laNavigation Océano-Polynésienne dans une perspective de développement durable etde désenclavement du Pacifique sud, en utilisant la richesse conceptuelle etpratique de ces savoirs afin de les appliquer aux enjeux modernes du GrandOcéan.
Ainsi, le projetMOANA NUI favorisera ou mettra en place :
- Une expédition transpacifique aveccommunication « tous-média »
- Insertion des savoirs deNavigation et de gestion environnementale traditionnels dans les systèmesd'enseignement du Pacifique, favorisant une collaboration « sciences/tradition»
- Echange de ces savoirs au sein duPacifique et au-delà
- Développement d'un tourismedurable basé sur la navigation traditionnelle
- Promotion des designs anciens depirogues du Pacifique pour la voile sportive et le cabotage inter-îles
- Développement d'un think tankprenant en compte les enjeux du Pacifique moderne afin d'envisager dessolutions de progrès durable, et agissant en boucle de rétroaction sur leprojet MOANA NUI.
Linguistique et interdisciplinarité : ce qu’apporte l’étude des langues
Mélissa Nayral, Maïa Ponsonnet et Leslie Vandeputte-Tavo
En terme de diversité linguistique, lePacifique compte parmi les régions les plus denses de la planète. LaPapouasie-Nouvelle-Guinée (près de 1 000 langues), le Vanuatu (plus de 100langues), les Îles Salomon (plus de 50 langues), l’Australie (env. 250 languesen 1800, env. 150 aujourd’hui), et d’autres pays présentent en effet unerichesse linguistique remarquable. Aujourd’hui, nombre de ces langues sontconsidérées comme « menacées » à court ou moyen terme. Même si beaucoup n’ontpas encore été étudiées, le Pacifique est depuis longtemps un terrainprivilégié de la linguistique descriptive, qui s’attache pour commencer à produiredes descriptions grammaticales précises, sur la base de données linguistiquesempiriques.
Quels rôles joue la description de ceslangues et de leur diversité dans la recherche en sciences humaines et socialesdans le Pacifique ? Au-delà des linguistes, quels chercheurs s’y attellent, ous’en servent ? Pour quelles raisons et dans quel cadre disciplinaire ? Quellesméthodes sont utilisées, quels sont leurs objectifs, et surtout leurs résultats? Les anthropologues sont concernés en premier lieu par les sciences du langage– la langue constituant le médium incontournable des relations sociales,sur lequel s’appuie largementl’anthropologie. Mais ils sont loin d’être les seuls. Des historiens, desgéographes, des archéologues, des politologues, et d’autres, peuvent contribuerà l’étude des langues, ou utiliser les descriptions linguistiques pour éclairerleurs propres études. Sur quelles bases théoriques ces chercheurscollaborent-ils entre eux, et avec les linguistes ? Comment les linguistescontribuent-ils eux-mêmes à répondre aux questions posées par d’autresdisciplines ? Comment s’établit le dialogue entre les disciplines, et quelsproblèmes pose-t-il ? Quelles sont les limites des collaborationsinterdisciplinaires, et les raisons de ces limites ?
Ce sont toutes ces questions que noussouhaitons soulever au sein de cette session. Nous invitons donc toutecontribution qui tenterait de les articuler ou d’y répondre, quels qu’en soitl’origine disciplinaire et l’ancrage théorique. Si nous encourageons en particulierles participants à présenter des projets ou résultats de croisementsdisciplinaires concrets et effectifs entre la linguistique et d’autresdisciplines, les contributions qui aborderont le problème sous un angle plusthéorique sont également les bienvenues.
Paroles et algorithmes dans lesjeux de ficelle trobriandais
Eric VANDENDRIESSCHE
Université Paris-Diderot & CNRS, Laboratoire Sciences-Philosophie-Histoire (UMR SPHERE 7219)
La pratique de « jeux de ficelle » a étédocumentée tout au long du XXe siècle dans diverses sociétés océaniennes(Haddon & Rivers 1902, Jenness 1920, Hornell 1927, Maude 1936…). Consistanten la réalisation de figures à partir d’une boucle de ficelle (et par desopérations effectuées à l’aide des doigts, voire aussi des dents, des poignetsou des pieds), l’activité « jeux de ficelle » est connue de nos jours encorechez les Trobriandais : appelée kaninikula, elle s’accompagne très souvent del’énonciation d’un texte oral, récité ou chanté (vinavina). Une analyseethnomathématique de cette pratique montre qu’un jeu de ficelle peut êtreappréhendé comme une succession de « gestes simples » assimilables à des «opérations élémentaires ». Ces figures de ficelle apparaissent donc comme lerésultat de véritables algorithmes. L’enjeu de cette communication sera demontrer en quoi le rapprochement de perspectives disciplinaires(ethnomathématique et ethnolinguistique) est essentiel pour mieux saisir comments’articulent diverses formes de savoirs, d’ordre mathématique, mythologiqueet/ou rituel, dans la pratique trobriandaise des jeux de ficelle. L’analyselinguistique des termes vernaculaires associés à cette activité permetd’éclairer le statut des opérations élémentaires impliquées dans ces procéduresde jeux de ficelle. Par ailleurs, une analyse approfondie des liens existantentre ces procédures et les textes oraux qui les accompagnent (vinavina) permetde faire l’hypothèse d’une relation mnémonique à double sens : si la variationiconographique (variation des figures intermédiaires au cours de certains jeuxde ficelle) peut constituer un support de mémorisation d’un texte de structureparalléliste, le texte lui-même est susceptible de participer à la mise enexergue de certaines propriétés mathématiques caractéristiques des algorithmesde jeux de ficelle.
Métaphores émotionnelles et stratégies de gestion des émotions : La représentation linguistique desémotions en dalabon (Australie du Nord)
Maïa PONSONNET
Australian National University, associée au CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
En dalabon (Australie du Nord), comme dansde nombreuses langues du monde, les termes qui permettent de décrire lesémotions font intervenir des parties du corps. Kangu-yowyow(mu), par exemple,littéralement « ventre »+« couler », « avoir l’estomac qui coule » signifie «se sentir bien, être gentil ». Cette expression s’inscrit dans un réseau demétaphores où un estomac dur représente des états émotionnels négatifs, et unestomac mou, des états émotionnels positifs. La linguistique nous fournit desoutils pour l’analyse de ces métaphores : Quel est leur statut linguistique etconceptuel ? Quelles sont les particularités des métaphores émotionnelles dudalabon par rapport à d’autres langues ?
L’une des particularités des métaphoresémotionnelles du dalabon est qu’elles représentent les émotions comme des étatsde la personne (l’estomac qui coule, le cœur qui se tient debout…), et noncomme des entités autonomes, indépendantes de la personne (par ex. « la colèrel’envahit »). Le dalabon ne représente donc pas les émotions comme des forces(par ex. « le joug de l’amour ») ou comme des ennemis (par ex. « être assaillipar la peur »), alors que l’on rencontre ces métaphores dans de nombreusesautres langues, sur plusieurs continents. Cette particularité peut être mise encorrélation avec deux types d’observations : d’une part des observationsethnographiques, d’autre part des observations linguistiques.
L’observation ethnographique descomportements des locuteurs suggère que cette représentation pourrait faireécho à la manière dont les locuteurs du dalabon appréhendent et gèrent leursémotions – comme des états dont il convient de maintenir l’équilibre etle flux, plutôt que comme des entités à combattre ou éliminer. L’analyselinguistique, quant à elle, suggère que cette représentation métaphorique desémotions comme des états de la personne plutôt que comme des entités autonomespourrait être une conséquence de certaines règles grammaticales du dalabon.
La grammaire peut-elle influencer lesreprésentations métaphoriques des émotions ? Ces représentations métaphoriquespeuvent-elles avoir un effet sur les stratégies de gestion des émotions ? Ou aucontraire, ces stratégies émotionnelles peuvent-elles influencer la manièredont les émotions sont décrites dans la langue ? Cette question reste pour lemoment en suspend, mais j’indiquerai quel type de données pourraient permettred’y répondre.
« Here we’re all mixed, one mob, one language ». Utilisation et discours sur le Kriol dans une communauté aborigène des Kimberleys dans les années 1980
Bernard MOIZO
IRD, Directeur de Recherche, GRED(Gouvernance, risqué, environnement, développement)
Au-delà des discours identitairescommunautaires, cette communication, fondée sur une recherche de terrain delongue durée menée de 1985 à 1987, aborde la question de la place et du rôle duKriol dans les Kimberleys à cette période. Après un bref rappel des différentesformes et appellations locales du Kriol, on présentera les perceptions etambigüités liées à l’emploi du Kriol dans le contexte régional etcommunautaire. On illustrera comment le Kriol peut être un marqueur dedifférences générationnelles. Pour conclure, deux types de situations où leKriol est largement utilisé seront présentées à titre d’exemple : les meetingset cérémonies d’une part ; les grands rassemblements régionaux et festivalsculturels de l’autre. Le propos est de montrer comment le Kriol procédait à lafois de diverses dynamiques de groupements sociaux dans les Kimberleys à cettepériode et jouait un rôle important dans les discours identitaires(formulation, manipulation).
Au-delà de la diglossie. Utilité et limite de cette notion sociolinguistique dans l’étude du bislama (Vanuatu)
Leslie VANDEPUTTE-TAVO
EHESS, Doctorante, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Le modèle diglossique proposé par Fergusonen 1959 consiste à concevoir le rapport entre deux langues selon unerépartition fonctionnelle et contextuelle hiérarchisée. Ce concept, qui aprofondément marqué la sociolinguistique, n’a jamais cessé d’être discuté etcritiqué (y compris par son concepteur, Ferguson 1991) et suscite, encoreaujourd’hui, de nombreux débats. Fondatrice d’une sociolinguistique descontacts de langue, la notion de diglossie a été largement employée dansl’étude des langues de contact (pidgins, créoles). Par conséquent, le modèlediglossique se présente comme un outil éclairant pour discuter la place dupidgin bislama dans le paysage linguistique au Vanuatu.
Le Vanuatu, comme ses voisins mélanésiens,se caractérise par son extrême densité linguistique. À cette diversités’ajoutent les deux anciennes langues coloniales (l’anglais et le français),aujourd’hui langues officielles et langues d’éducation ; et le bislama, languevéhiculaire, officielle et nationale du pays. Dans ce contexte plurilingue, lanotion de diglossie est-elle pertinente dans l’analyse des rapportshiérarchiques que le bislama entretien avec les autres langues ? Pluslargement, la diglossie permet-elle de saisir les rapports de pouvoirs entreles langues ?
Si l’usage du bislama semble d’embléeprésenter les caractéristiques d’une situation diglossique, nos recherchesethnographiques menées sur cette langue nous invitent à reconsidérer lesrapports diglossiques. Nous nous proposons dans cette communication de discuterde l’utilité de ce modèle dans l’analyse du bislama. On verra qu’une lectureethnographique permet de repenser cette notion pour, peut-être, la dépasser.
Anthropologie politique et linguistique : Le chef kanak, une parole juste
Mélissa NAYRAL
AMU, Doctorante, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Cette communication interroge le vocabulaireutilisé en iaai et en fagauvea pour décrire les manières de dire l’autorité duchef et son exercice. Dans la littérature anthropologique portant sur le payskanak, la figure du chef « hante tous les écrits consacrés aux premiersoccupants de la Nouvelle-Calédonie » (Bensa, 2000). Des premiers santaliers auxanthropologues et voyageurs contemporains, le personnage du chef kanak a eneffet été l’objet de très nombreux écrits. Il faut dire que, sur place, quel’on soit d’ici ou d’ailleurs, on est régulièrement renvoyé à son existencequand ce n’est pas directement à lui que l’on doit s’adresser. À Ouvéa, au norddes Îles Loyauté, la coutume occupe une place de choix au quotidien, et leschefs sont régulièrement désignés comme des hommes prestigieux exerçant leurautorité sur des sujets qui leur doivent, en principe, respect et obéissance.Pourtant, au premier abord, il peut paraître difficile de les identifier entant que tels, tant les signes qui les distinguent sont, au quotidien, peunombreux et discrets. De plus, l’immense majorité des chefferies d’Ouvéa n’ontpas à ce jour de chef « actif ».
Cet état de fait pose évidemment la questionde la fonction « réelle » ou fonction effective des chefs au sein de la viecollective, laquelle sera éclairée par l’étude de la langue qui distingue quantà elle le chef des sujets. Cette communication nous permettra ainsi dans unpremier temps de préciser la fonction et le statut des chefs à Ouvéa, et dansun deuxième temps de montrer le rôle que peut jouer la linguistique descriptivedans une recherche d’anthropologie politique en pays kanak.
« Dire l’École » en langues kanakes, ou comment les anciens ont nommé l’École en langue autochtone ?
Wadrawane Eddy WAYUONE
Université de la Nouvelle-Calédonie, Institut Universitaire de Formation des Maîtres
L’institution scolaire a bien été acceptéeet revendiquée comme objet d’enjeu social, politique et culturel dans le milieuautochtone. Aujourd’hui le sens de l’école est réinterrogé dans le milieusocial kanak et océanien en général. Au moment où l’on s’interroge sur ledevenir de cet héritage scolaire tant privé que public en Nouvelle-Calédonie,il devient fondamental de reconsidérer comment les anciens ont nommé l’École enlangues indigènes. Pourquoi ont-ils réservé un lexique intentionnellementétonnant au sujet de l’« École » en de nombreuses langues kanakes ? À partir decelles qui sont officialisées (baccalauréat) nous revisiterons cette mémoirelinguistique en tentant de déceler les fondamentaux qui imprègnent encorel’ancienne génération d’élèves kanaks devenue la première élite issue desécoles de tribu. Montrer que cette façon spécifique de dire « École » révèle la croyance au refus des’assimiler à la posture dite « échec à l’école ». Enfin, avant la partieconclusive, une proposition d’analyse permettra de rediscuter certainespostures familiales qui seraient contradictoires à la croyance à l’avènementd’un nouveau type statutaire de cultivé.
Des Vies au vif : des Malaitains, îles Salomon, écrivent leurs travaux et leurs jours.
Pierre MARANDA
Professeur, Université Laval, Québec, Canada
Comment des Malaitains septentrionauxvoient-ils eux-mêmes leur propre vie ? Comment la ressentent-ils, à partir de leurs propres témoignages telsqu’ils les ont consignés dans des « Carnets de vie » ? Pour répondre à cette questionj’exploiterai la base de données pertinente faisant partie de mon fonds, leFonds Pierre Maranda archivé au Musée de la Civilisation du Québec (mcq.org,onglet ARCHIVES, RECHERCHE Fonds Pierre Maranda - oumcq.org/fr/complexe/craf_fonds/craf_ fonds.php?idEv=oc234). Cette base dedonnées contient une vaste collection de documents rédigés par des autochtones.Il s'agit de ce qu'on pourrait appeler une ethno-ethnographie. Lors de monpremier terrain à Malaita (1966-1968), j'ai recruté dix-neuf Launord-malaitains alphabétisés et je leur ai fourni du matériel pour tenir desjournaux quotidiens de tous les événements qu'ils trouvaient pertinent denoter. Le résultat : 77 carnets de 100 pages chacun, intitulés « Diaries » («Carnets de vie » dans mon Fonds), donc 7 700 pages manuscrites, chaque pageayant été numérisée en PDF.
Ces « journaux de bord » autochtones rédigésdans une toute éloquente candeur traitent de relations sociales, bien sûr, à unmicro niveau – parenté, alliances, conflits, sacrifices deréconciliation, décès…; de fêtes cérémonielles ; d’événements insolites ; deséances de divination, etc. Je décriraile traitement de ce corpus, actuellement dans sa première phase.
Ce que peut la linguistique… et ce qu’elle ne peut pas… Propositions pour un décloisonnement des approches linguistique, didactique et sociolinguistique dans l’enseignement du tahitienen Polynésie française aujourd’hui
Jacques VERNAUDON
Université de la Polynésie française
Mirose PAIA
Université de la Polynésie française
Marie SALAUN
Université de Nantes, Professeur, Centre de recherche en éducation
Sans être une langue « en danger » au sensde la classification de l’UNESCO, le tahitien est aujourd’hui à un momentcritique de son histoire. Selon la statistique de l’ISPF, en 2007, et sur labase du déclaratif, 72 % des 15-19 ans, 74,8 % des 40-44 ans, 74,4 % déclarent« comprendre, parler, lire et écrire » une langue polynésienne. Selon la mêmesource, une langue polynésienne est la langue plus couramment parlée en famillepour 20,7 % des 15-19 ans, 30,5 % des 40-44 ans, 53,77 % des 75-79 ans. Lesenquêtes menées dans le cadre du programme ANR ECOLPOM montrent pour leur partque selon leurs parents, seuls 3,4 % des enfants (CP/CE1) utiliseraient letahitien pour échanger avec eux aujourd’hui. Depuis une dizaine d’années, unnouvel élan a été donné à l’enseignement scolaire des Langues et culturepolynésiennes à l’école primaire, notamment par le biais d’expérimentationsportant le volume horaire hebdomadaire de 2 h 40 à 5 h, en gestion coordonnéeavec la langue française, langue principale de scolarisation. Mais si l’écolepeut produire des connaissances, elle ne produira pas des usages : les effortsde revitalisation de la langue ont plus que jamais besoin d’une approchesociolinguistique, c’est-à-dire une approche intégrant les pratiqueslangagières et les idéologies linguistiques qui les sous-tendent. Les critèresde vitalité d’une langue – et partant, son pronostic vital – fontune large place à la documentation disponible sur la langue. Les matériaux sontlà pour le tahitien, et ont été exploités pour la mise en œuvre d’unedidactique raisonnée de la langue avec des enfants d’origine polynésienne dontle tahitien n’est plus la langue maternelle. Les approches strictementlinguistique (étude de la langue pour la langue), ou strictement didactique(étude des conditions de l’apprentissage scolaire), trouvent cependantdésormais leurs limites, à partir du moment où la transmission intergénérationnellesemble faire défaut hors des murs de l’école. Cette communication présenterades réflexions en cours sur la nécessité d’un décloisonnement des approcheslinguistique, didactique et sociolinguistique.
Nouveaux défis environnementaux et gouvernance dans le Pacifique
Elodie Fache, Marieke Blondet et Bran Quinquis
Lesnations du Pacifique sont parmi les premières à être impactées par leschangements climatiques globaux. Les écosystèmes largement endogènes de leursîles sont menacés par toute intrusion d’espèces exotiques invasives. Les îlesbasses et atolls sont les principales cibles de la montée du niveau des océans.Les cyclones, toujours plus nombreux ces dernières années, frappent de manièrerépétée cette région du monde. Enfin, les habitants de certaines îlespourraient bientôt faire partie des réfugiés climatiques. Pourtant, laresponsabilité des États du Pacifique dans la crise environnementale globaleest communément considérée comme faible.
Lesaccords commerciaux et d’aide au développement économique avec des partenairesinternationaux incitent ces États à appliquer sur leurs territoires desprincipes contraignants de conservation de la biodiversité et de développementdurable. Toutefois, leurs populations n’aspirent bien souvent qu’à davantage debien-être économique.
Cettesituation paradoxale place les États du Pacifique face à de multiples dilemmesdont l’un des plus centraux est celui de la gouvernance, en particulier de lagouvernance environnementale. Comment faire face à la fois aux aspirations entermes de développement de leur population tout en acceptant les exigences debonne gouvernance des partenaires internationaux ? Quelles stratégies etquelles structures de gouvernance locales, régionales, nationales sontmobilisées pour faire face aux nouveaux défis écologiques et économiques ?Comment les relations locales avec l’environnement sont-elles remises en cause,réaffirmées, remodelées ou encore véhiculées dans ce contexte ?
La Baleine et la gouvernance dans le Pacifique : un objet légitime desRelations Internationales
Fabrice ARGOUNÈS
Sciences Po Bordeaux, Université Paris 13, Centre Emile Durkheim
Cetteproposition d’intervention repose sur les outils d’analyse de la géographiepolitique et de la science politique afin de mettre en lumière les enjeux duconflit autour de la pêche à la Baleine, dont l’Australie et le Japon sont lesprincipaux acteurs, mais où les espaces maritimes et les Etats du Pacifiquejouent un rôle essentiel. Il s’agit en particulier d’étudier les stratégiesrégionales des acteurs des relations internationales – Etats maiségalement OIG ou ONG – dans la seconde partie des années 2000 etjusqu’aux années 2010 – tout en prenant en compte certains enjeuxhistoriques sur la question – pour présenter les nouveaux outils de gouvernanceenvisagés pour la protection des baleines, mais surtout les enjeuxgéographiques, diplomatiques et juridiques au sein des organisationsrégionales, de la Commission baleinière internationale (CBI) et plus récemment,en vue des débats au sein de la Cour internationale de justice (CIJ). LaBaleine y devient un symbole de l’évolution des relations internationales.
Pêche coutumière, pêche commerciale, pêche de loisirs et tourisme pêcheà Ouvéa, Nouvelle-Calédonie. Évolution des pratiques et potentialités dedéveloppement
Mathias FAURIE
Université Paris 4, Docteur en Géographie, ATER, UMR 8586 PRODIG
En Mélanésie comme en Polynésie, la pêche est entourée d’un ensemble de savoirstransmis, de traditions orales, d’une portée mythique et symbolique qui dépasselargement l’activité de collecte de produits de la mer pour elle-même. Cetteactivité est souvent décrite comme « pêche coutumière » dans la littératureconcernant la région. Cette notion sous-entend des pêches collectives réaliséespour le besoin d’échanges coutumiers, d’événements forts de la communauté commedes mariages ou des deuils, mais la notion de pêche coutumière est parfoisutilisée plus largement lorsque l’on parle de pêches aux méthodestraditionnelles, ou pratiquées sur des espèces ou dans des lieux particulierspar des personnes habilitées coutumièrement.
Denombreux projets de développement aux Loyauté et à Ouvéa portent sur la pêcheprofessionnelle et commerciale. Cette filière fait l’objet de nombreuses aidesdepuis trois décennies mais reste fragile et peu rentable. Si une nouvelleunité de conditionnement a vu le jour à Ouvéa, on ne peut pas encore parlerd’une activité économique structurante pour l’île : les congélateurs desmagasins de l’atoll, pourtant célèbre pour son poisson, restent désespérémentvides, faute d’approvisionnement régulier par les pêcheurs de l’île, et l’activitéd’export ne se développe pas davantage.
Par ailleurs, la pêche semble avoir évolué du point de vue des pratiques et desreprésentations qui entourent cette activité. En effet, les grandes pêchescoutumières se font de plus en plus rares, les pêcheurs spécialistes de moinsen moins nombreux et la pêche semble se pratiquer majoritairement dans lecercle familial ou amical, étant pratiquée comme une activité occasionnelle, oùla fonction récréative ou symbolique tend à primer sur la recherche de poissonsen tant que telle, que le mode de redistribution soit coutumier ou commercial.La pêche est évidemment une activité destinée à se procurer des denréesalimentaires, mais pas uniquement : on pêche aussi pour le plaisir, la pêcheayant une portée sociale dépassant le seul besoin alimentaire ou la vocationcommerciale. Alors que les projets institutionnels portent encore aujourd’huisur la structuration d’une filière pêche professionnelle avec pour objectif laformation d’habitants d’Ouvéa aux métiers de la mer et l’exportation versNouméa ou l’international, des possibilités importantes semblent s’ouvrir enmatière de tourisme pêche, activité innovante et plus respectueuse del’environnement. En effet, une demande importante existe tant enNouvelle-Calédonie qu’à l’étranger pour la pratique de la pêche sportive etrécréative. Dans quelle mesure le tourisme pêche peut-il être accepté comme uneopportunité de développement en tribu et pourrait, ou non, correspondre àl’évolution des représentations, des pratiques et des savoir-fairetraditionnels concernant cette activité ?
Une analyse critique de la notion de services écosystémiques en milieu corallien dans le Pacifique
Gilbert DAVID
IRD, Directeur de recherche
Nicolas PASCAL
EPHE, Chargé de Conférences, CRIOBE USR 3278 (CNRS – EPHE), LabexCORAIL
Jean-Brice HERRENSMITH
Consultant, GIE OCEANIDE
Lanotion de services écosystémiques (SE) a fait son irruption dans le champscientifique depuis les années 1970 et a fait l’objet d’âpres discussions suiteaux travaux de Costanza (1997). L’objet de cette intervention est de poserl’origine, les usages, l’idéologie de la notion de SE et d’en discuterl’intérêt dans la gouvernance de l’environnement, notamment en ce qui concerneles récifs coralliens, écosystème emblématique de la zone intertropicale.L’accent sera également mis sur les enjeux d’un dialogue interdisciplinaire ausein des SHS et avec les écologues, entre « experts » scientifiques etpolitiques pour réduire la tendance actuelle au découplage croissant entre lefonctionnement de l’écosystème et l’évaluation des services qu’il rend ou quien sont tirés. Le terrain océanien est particulièrement propice à cet exercicecar il permet de discuter le domaine de validité de l’emploi de la notion de SEdans un contexte spécifique, marqué par l’insularité et le caractère nonmarchand d’une partie de l’économie rurale, et par rapport à une discussionplus générale sur la valeur (des lieux, des espaces, de la nature) et lescritères hétérogènes de sa mesure.
La mobilisation de la notion de « culture » dans les méthodes d’évaluation des services écosystémiques dans le Pacifique
Alain SAFA
Université de Nice Sophia-Antipolis, Enseignant-chercheur, MSHSE
Pierre-Yves LE MEUR
IRD, Anthropologue, Directeur de Recherche HDR, UMR GRED, Nouvelle-Calédonie
Bran QUINQUIS
Post-Doctorant Labex CORAIL, Economiste, CRIOBE USR3278 (CNRS –EPHE)
Même si les méthodes d’évaluation ont beaucoup évolué depuis les années 1980 etsont, dans le champ de l’économie, soumises aux débats entre les méthodesclassiques (qu'elles soient "directes" ou "indirectes") et les "méthodesd'évaluation par équivalence", la dimension culturelle mentionnée par leMAE est la grande absente de ces débats. Or les sociétés insulaires duPacifique sont de très bons terrains pour réexaminer la place de la « culture »dans les méthodes d’évaluation des services écosystémiques. Dans une premièrepartie, nous analyserons la place et la définition de la culture dans lesdifférentes méthodes d’évaluation directes : la monétarisation au prix demarché (marchandisation de la nature, aspects éthiques), méthode de changementde productivité (lien entre changement écologique et biens et servicescommercialisés, fonctions de production), méthode des préférences déclarées (ouénoncées). Dans une seconde partie, à partir d’exemples du Pacifique, nousdiscuterons de la place et de la définition de la culture dans les méthodesd’évaluation indirectes (préférences révélées) : méthodes par compensation, desprix hédonistes (et qualité de l’environnement) et des coûts de transport. Enconclusion, nous serons mieux à même de montrer les limitations et lescomplémentarités de ces méthodes appliquées à l’Océanie. On verra en particulierque les préférences individuelles qui ne sont pas statiques dans le temps,peuvent différer des préférences collectives telles qu’elles sont structuréesdans le cadre sociétal étudié, et qui ne se réduisent pas à la somme despréférences individuelles. Finalement sera proposée une discussion critique dela manière dont la notion de « culture » est mobilisée dans le champ del’économie des services écosystémiques (comme variable résiduelle, comme synonyme implicite d’incertitude concernant les résultats et leurs usages entermes de scénarios ou sur un mode qui se veut plus prédictif).
Les services écosystémiques à l’épreuve de l’Océanie. Quelles éthiques, pour quelles évaluations ?
Tamatoa BAMBRIDGE
CNRS, Chargé de recherche, CRIOBE USR3278 (EPHE – CNRS), LabexCORAIL
Antoine WICKEL
IRD, Doctorant, GIE OCEANIDE
Nathalie HILMI
Centre Scientifique de Monaco, Chargée de recherche, consultante,International Atomic Energy Agency-Environment Laboratories
Bernard RIGO
Université de la Nouvelle-Calédonie, Professeur
Si l’étymologie semble confondre les sens de l’éthique (dérivé du grec ethos,mœurs) et de la morale (dérivé du latin mos, moris, les mœurs), une longuetradition philosophique a distingué les deux concepts. Tandis que la morale estprescriptive rapportée à un principe supérieur, issu d’un dogme religieux oud’une rationalité universelle , l’action éthique est tendue plus vers l’effetpratique que sur une conformité de principe. Comment ne pas noter par ailleurstoute l’ambiguïté d’une notion posée dans l’universalité : la morale mais dontl’étymon marque la pluralité et la relativité, les mœurs. C’est dire que si lesmœurs ne justifient pas toutes les pratiques, l’éthique ne peut ignorer tout àfait les mœurs. Si le vol est condamnable, cela n’implique pas une universalitéde l’idée de propriété au sens du droit romain ou napoléonien. La question des services écosystémiques en Océanieest à ce titre une question éthique : elle ne peut ignorer la prévalence de larelation privilégiée des sociétés à la nature et la faible pertinence duconcept de nature comme support de services marchands et non marchands.
Laquestion qui sera traitée ici est celle de l’éthique de l’évaluation. EnOcéanie, si les mœurs changent, c’est parce que les usages se sont modifiés. Lagrande maison écologique privée de ses occupants mythologiques peut-ellesatisfaire une famille dont les noms sont encore écrits sur les murs ? Ladistribution des pouvoirs et des usages sur le critère de l’ancienneté et selonla modalité du prestige est-elle encore souhaitée par ceux qui s’affirmentpropriétaires dans une économie de marché ? Sur la base d’une étude de caspolynésienne ou calédonienne, il s’agira ici de montrer comment les questionséthiques ressurgissent lors des tentatives d’évaluation de la marchandisationde la nature.
La protection des récifs coralliens en Nouvelle-Calédonie : une patrimonialisation au service de la gouvernance environnementale
Pauline MILON
Université d’Aix-Marseille (CERIC), Université de Lausanne (Centre de droit privé), Doctorante en droit public
Le8 juillet 2008, le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO a inscrit leslagons de la Nouvelle-Calédonie au titre du patrimoine naturel mondial classéet protégé par la Convention de 1972. Ce processus de patrimonialisation permetde dépasser la simple logique individuelle de bien dans la mesure où ellepropose un modèle collectiviste reposant sur un lien interindividuel etintergénérationnel. Quels sont les apports – tant politiques (via lagouvernance) que juridiques (par le phénomène de patrimonialisation) – decette nouvelle structure sur le lien entre l’homme et son environnement naturel?
Lanotion de patrimoine en droit permet de dépasser les conceptions réductricesdes systèmes modélisant le rapport Homme/Nature, systèmes selon lesquels soitla Nature est réduite à un objet de maîtrise (et alors qualifiée d’objet dedroit), soit l’Homme rapporté à une partie d’un tout global abolissant lesdifférences entre les êtres vivants (la Nature qualifiée alors de sujet dedroit). Le patrimoine ne s’attache pas tant à la valeur des objets leconstituant qu’à leur finalité, celle d’être conservée et transmise. C’estainsi que le droit international de l’environnement s’est saisi de cettesolution en recourant à la notion de « patrimoine mondial de l’humanité » afinde soustraire des espaces ou des biens d’une certaine importance (écologique,culturelle, scientifique etc.) aux appropriations privées ou étatiques. Notreintervention portera sur la portée de l’inscription du lagon de laNouvelle-Calédonie sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008.
Dansle cas de la Nouvelle Calédonie, la démarche d’inscription des six sites aupatrimoine mondial de l’UNESCO en juillet 2008 a été initiée par des associationslocales de protection de l’environnement, qui ont reçu leur soutien desassemblées provinciales, du gouvernement néo-calédonien et du Sénat coutumier.Les zones de patrimoine de l'UNESCO sont en effet gérées selon un mode degestion participative. En effet, une des conditions permettant de conserver celabel est d’élaborer des plans de gestion des sites classés en impliquant lescollectivités locales et les populations. Ainsi, la Décision 32COM 8B.10relative à l’examen des propositions d’inscription des Lagons deNouvelle-Calédonie sur la liste du patrimoine mondial de biens naturels, mixteset culturels demande à l’État d’assurer en partie la gestion du bien dans une logique de cogestion entre l’État, legouvernement, les provinces et les communautés locales Kanak. L’ensemble desacteurs (politiques et citoyens) ainsi que tous les opérateurs touristiques etéconomiques peuvent alors s’approprier cette biodiversité à travers des comitésde gestion participative. Ainsi, un élan de démocratie participative s’esquissedans cette forme de gouvernance, proposée par ces nouvelles structures.
La gouvernance de l’environnement en Nouvelle-Calédonie et le millefeuille institutionnel
Victor DAVID
IRD, UMR GRED, Centre de Nouméa
La Nouvelle-Calédonie comme la plupart des Etats et territoires insulaires duPacifique dispose d’un environnement naturel vulnérable aux aléas naturels etd’origine anthropique. Les impacts subis par la biodiversité du fait de prélèvementscroissants de ressources naturelles soit pour satisfaire les besoinsélémentaires des hommes soit dans le cadre d’un développement industriel ontamené les scientifiques dès la fin des années 1970 et les politiques par lasuite à reconnaître la Nouvelle-Calédonie comme un « hotspot ». Depuis,l’arsenal juridique de protection de la nature n’a cessé d’être étoffé tandisque parallèlement la Nouvelle-Calédonie vivait des évolutions institutionnellesdont la dernière étape en date est l’organisation politico-territoriale baséesur l’Accord de Nouméa, incorporé dans la Constitution française et la LoiOrganique du 19 mars 1999. Or, cette organisation, et notre communication sepropose de le montrer, est assez discutable en matière de gestion de l’environnement.En effet, la répartition des compétences entre différentes collectivités (Etat,Nouvelle-Calédonie, Provinces, communes), chacune intervenant sur un même sujetà des niveaux différents et les rigidités d’interprétations sur les limites dela compétence de droit commun des provinces conduisent bien souvent à laquestion : « qui fait quoi ? », entrainant par là même une protection del’environnement qui est loin d’être optimale. Au fil de l’analyse de lagouvernance actuelle, d’autres questions plus spécifiques telles que la placede la coutume et des responsables coutumiers pour une gestion efficiente del’environnement émergent. Un parallèle intéressant à ce sujet sera à faire avecles résultats d’une étude dont l’auteur en est le coordonnateur scientifique etqui vient d’être lancée sur le droit et la gouvernance des ressourcesnaturelles à Vanuatu où la dialectique entre dispositifs juridiques importés ettraditions semble être plus que prégnante. Des problèmes insoupçonnables ou nonabordés lors des négociations de l’Accord de Nouméa doivent également êtrerésolus aujourd’hui. C’est le cas de la mise en œuvre du droit international del’environnement ou de la Charte de la Constitutionnelle de l’Environnement de2005. Il en est de même de la recherche au fil du temps par différents acteursd’une « cohérence pays » qui fait varier le curseur entre la prise en compteeffective de spécificités identitaires et un « copier coller » de dispositionsadoptées par celle des trois provinces qui aura agi en premier, voire,paradoxalement dans un contexte d’émancipation, de textes adoptés au niveaunational.
Conservation environnementale, population autochtone et gouvernance en Australie du Nord
Elodie FACHE
Post-doctorante ECOPAS, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
L’Australie du Nord est considérée comme ayant une valeur écologique importante, toutefoismenacée par les impacts des espèces exotiques invasives, de feux intenses, dudéfrichement, du surpâturage, de la pollution et du changement climatiqueglobal. Depuis les années 1990, des groupes de rangers ont été établis dans denombreuses communautés aborigènes de cette région. Ces nouveaux acteurs locauxsont employés pour gérer les « ressources naturelles » et préserver labiodiversité. Cette mission est intrinsèquement combinée à des objectifssocio-économiques : la création d’emplois et plus largement un développementéconomique local, et ce, dans un contexte où les opportunités d’emplois et dedéveloppement sont très limitées. Les divers projets des rangers permettraientégalement la transmission intergénérationnelle de pratiques et de savoirs «traditionnels » relatifs à l’environnement.
Ces groupes de rangers supposent l’émergence de structures locales de gouvernanceenvironnementale. La dialectique entre celles-ci et les rôles, procédures etpratiques « traditionnellement » associés à la préservation de la terre et dela mer n’est généralement que peu explorée. Il est en effet accepté a priorique ces structures assurent à la fois le contrôle local de la « gestion desressources naturelles » et le respect des responsabilités et des droitsrelatifs au foncier. Ce postulat mérite d’être discuté.
Je propose d’initier cette discussion à partir du cas ethnographique d’un groupede rangers de la Terre d’Arnhem, dans le Territoire du Nord. En 2008, lacréation de la Yugul Mangi Land and Sea Management Aboriginal Corporationvisait à doter ce groupe d’une structure de gouvernance « appropriée »,c’est-à-dire assurant que ses activités écologiques sont sous l’autorité des «propriétaires traditionnels » concernés et respectent la « loi coutumièreaborigène ». Cette présentation va montrer comment, dans les faits, cetteambition est nettement remise en question.
Gouvernance environnementale et conservation en Océanie : un nouveau lieu de dépendance des Etats du Pacifique
Marieke BLONDET
LEF AgroParisTech - INRA Nancy, Chargée de recherche posdoctorante
La protection de l’environnement dans le Pacifique n’est pas chose nouvelle. De nombreusesaires naturelles ont été mises en place depuis les années 1970-80. Néanmoins,et de manière un peu provocatrice, on peut se demander si ces espaces naturelsprotégés auraient existé ouauraient été si nombreux sans l’insistance des organisations environnementalesinternationales et des bailleurs de fonds.
En effet, on connaît la grande dépendance économique des états insulaires duPacifique qui entre également en ligne de compte lorsque l’on vient à étudierla conservation de la nature dans la région.
Partant de ce constat, nous proposerons deux questions / réflexions :
D’une part dans quelle mesure les politiques environnementales des états insulairesdu Pacifique sont-elles le résultat d’une réelle volonté des gouvernementslocaux et de leurs populations, ou bien sont-elles mises en place sousl’influence des relations internationales et en lien avec les discussionsautour des aides économiques allouées à ces pays. La question de la gouvernanceet de l’imposition de politiques et d’outils par les bailleurs de fonds etorganisations internationales sera abordée.
D’autre part nous réfléchirons au concept de patrimoine naturel appliqué aux sociétésdu Pacifique en se demandant si, au-delà des élites océaniennes, cette notion avéritablement un sens pour les insulaires du commun, ou bien si à leurs yeuxles projets de protection de la nature sont davantage de l’ordre de la gestiondes ressources pour s’assurer de leur durabilité. Il serait alors question del’imposition de concepts et de terminologies de la part des organisationsinternationales et d’aide. Serait-ce un nouveau lieu de la dépendance de cesEtats ?
Les passerelles culturelles, faits et idéologies
Benoît Carteron et Jean-Pierre Segal
Il s’agirait d’approfondir les passerelles etemprunts culturels entre populations autochtones et allochtones à partir de lacolonisation européenne. Avec des variations selon les contextes géographiqueset sociaux, les populations se sont approprié des « manières de penser, desentir et d’agir » des autres. Il s’agira d’approcher à partird’observations ethnographiques ou historiographiques des exemples approfondisde passerelles et d’emprunts réciproques. Différents domaines peuvent êtreappréhendés : langues, techniques de subsistance, relations de parenté,relations de travail, loisirs, pratiques artistiques…
Les confrontations de populations porteuses deconceptions, règles et modes d’existence sans commune mesure apparente ont étéanalysées sous l’angle des malentendus ou de l’acculturation/déculturation. Oubien, les syncrétismes, créolisations, transculturations ou réinventionsculturelles1 font état de passerelles plus ou moins reconnues.Ces notions et d’autres ont cependant en commun de s’appuyer sur l’idée decultures d’origine dont la rencontre avec d’autres cultures met à mal uneauthenticité supposée. Or, de tout temps les frontières sont poreuses entregroupes et sociétés et les effets des cohabitations ne sont ni réductibles audévoiement d’une pureté originaire, ni le seul produit d’une globalisationuniforme2. L’arrière-plan de l’existence de cultures comme entitésse référant à un système stable, cohérent et porté de manière unanime seraitdonc déjà à interroger au sein de ces processus3.
Pour autant, peut-on analyser passerelles etemprunts en se débarrassant simplement de la notion de culture et de sesavatars ? Les cultures (et identités culturelles) prennent consistance par lesreprésentations de soi et des autres que s’approprient les individus et lescollectifs en les considérant comme des propriétés inhérentes aux sociétés. Enpartant de ce constat, comment sont intégrées les visions réciproques decultures en confrontations dans les processus d’emprunts et leursreconnaissances ? Dans quelles conditions ces représentationspeuvent-elles contribuer à défaire des attaches et à en construire d’autres ?
D'autres questions peuvent être abordées : lespasserelles culturelles échappent-elles aux intentions en se logeant plutôtdans les situations où la nécessité fait loi ? Seraient-elles alors uniquementle fait de milieux populaires ou marginalisés ? S’imposent-elles au contrairedurablement en étant reprises et diffusées de manière ostensible par lesélites ? Entrent-elles dans les formes renouvelées de dominations socialescomme idéaux manipulés dans des contextes de légitimation de pouvoirs économiqueset politiques ?
Dans le prolongement de la session« Culture et politique ou culture politique ? » du colloque de2010, on pourra aussi s’interroger sur les passerelles culturelles ethybridations comme modes de survie face aux pouvoirs nationaux et extranationaux? Face aux idéaux de retour à l’authenticité et aux discours traditionnalistesd’un côté, aux injonctions à entrer dans une modernité globale de l’autre,comment se positionnent passerelles culturelles, créolisationsou hybridations revendiquées comme telles ? Sont-elles ou non à lasource de nouvelles formes de contestations sociales, du renouvellement deperspectives politiques, d’alternatives pour les questions de citoyenneté et desouveraineté ?
[1] BABADZAN A., Le spectacle de la culture.Globalisation et traditionalismes en Océanie, Paris, L’Harmattan,2009 ; GHASARIAN C., La Réunion : acculturation, créolisation etréinventions culturelles, Ethnologie française, XXXII, 4, 2002,663-676.
[2] Cf. AMSELLE J.-L., Branchements.Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion, 2001.
[3] BENSA A., La fin de l’exotisme, Essaisd’anthropologie critique, Paris, Anacharsis, 2006.
L’agriculture des tribus de Nouvelle-Calédonie face au travail salarié et indépendant : entre concurrence, hybridation et complémentarité. Lecture à partir des revenus
Stéphane GUYARD
Institut Agronomique neo-Calédonien (IAC)
En 2011, l’Institut Agronomique néo-Calédonien (IAC) a réalisé une grande enquêtesur la place et les fonctions des activités agricoles et de prélèvement desfamilles résidant en tribu en Nouvelle-Calédonie.
Cette étude permet notamment de saisir les différentes sources de revenus desfamilles et interroge plus spécifiquement la place que tiennent d’un côté lesactivités agricoles et de prélèvement et de l’autre les revenus obtenus parl’inscription des individus dans l’univers du salariat et du travailindépendant.
Après une rapide présentation de l’étude, de ses enjeux et de sa méthodologie,l’intervention permet de préciser ces sources de revenus, en absolus et enpoids relatifs, et de questionner l’articulation des différentes activités desindividus et des familles en termes de concurrence mais aussi d’hybridation,voire de complémentarité.
A quel endroit va-t-on installer l’école ? Négociations et consensus pour l’introduction d’un objet nouveau en Nouvelle-Calédonie (Iles Loyauté)
Wadrawane Eddy WAYUONE
Université de la Nouvelle-Calédonie, Institut Universitaire de Formation des Maîtres
L’auteurexpose suite à une enquête socio-anthropologique sur la situation spatiale del’école en milieu kanak (Nouvelle-Calédonie), l’intérêt d’un angle d’étude desrapports politiques progressifs liés à l’histoire d’insertion, d’intégrationdans l’espace autochtone des groupes et des objets institutionnels au sensétatique. L’analyse proposée à partir d’éléments linguistiques [prépositionssur et sous] du discours kanak de positionnement foncier montrera la pratiqued’intégration paradoxale de l’institution scolaire dans le milieu kanak auxîles Loyauté. Cette pratique dévoile des usages clairs-obscures de stratégiesd’anthropologisation politique des espaces, relevant d’aspects combinatoires"d’agencement non adversatifs" comme complémentarité et englobement,mettant en exergue l’idée d’un nouvel Espace Public Pays issu d’espace «trialogique ».
Arts vivants en Nouvelle-Calédonie : nouvelles amarres, nouvelles escales
Dominique JOUVE
Université de la Nouvelle-Calédonie, Professeur des universités
Le dernier né des magazines culturels à Nouméa a pour titre Endémix. Ce mot valiseassocie le vocabulaire de la biologie et l’anglo-américain musical « mix ». Lenom même de cette revue est une passerelle culturelle où confluent la spécificité de laNouvelle-Calédonie et le goût pour les techniques les plus modernes. Lamétaphore sous jacente entre culture et végétation suggère que la culture estuns substance inhérente à l’espace kanak, ce qui est un postulat à interroger.La métonymie qui va de la musique à l’ensemble des productions culturelles nesemble poser aucun problème à l’équipe de rédaction. Nul ne se pose la questiond’une légitimité ou d’une authenticité quant à l’image d’une confluence, d’unpont entre des cultures. Dans le même temps, une pièce de théâtre se joue enNouvelle-Calédonie avec le titre Cowadis (texte de Anne-Sophie Conan, avec PaulWamo et Richard Digoué) ; le nom de la pièce associe les noms des créateurs(CO-WA-DI) et fait calembour avec la fameuse question « quo vadis » adressée auChrist par Saint Pierre fuyant les persécutions à Rome : références trèshétérogènes, donc ; sur la scène deux acteurs kanak, une Européenne ; un texteen français, des chants en nengone ; la scénographie associe des objetsocéaniens et des projections vidéo selon la technique du « mapping ». D’autresexemples pourraient appuyer cette nouvelle tendance de la création artistique :l’association d’énergies créatrices nonobstant les différences culturelles pardes synergies nouvelles qui se manifestent par exemple par la création dediverses associations dans le but de mener à bien un projet de création, enrecueillant des subventions et le produit des ventes de billets.
Nous examinerons, particulièrement dans le domaine des arts vivants, comment cesinitiatives dépassent le niveau de la juxtaposition ou du bricolage, ne sontpas seulement des « modes de survie ». Elles se donnent comme objectif unefusion esthétique et émotionnelle au moment du spectacle et résultent d’un désir de partage et d’ouverture àl’autre/ aux autres marqué par la générosité.
Pratiques locales et logiques internationales : le cas de KNS en Nouvelle-Calédonie
Anne MOREL-LAB
Université de la Nouvelle-Calédonie, Doctorante
Lavolonté politique des indépendantistes de la Nouvelle-Calédonie d’accéder à laressource minière est en passe de se concrétiser. La période de test deséquipements de l’usine du Nord, celle de Koniambo Nickel SAS est en cours. La phase de construction de ce projet adonné lieu au déplacement de plusieurs milliers de personnes vers le site deVavouto en Province Nord pour des périodes plus ou moins longues, de quelquesjours seulement parfois pour dessalariés locaux à un maximum de 12 mois consécutifs pour des travailleursétrangers. Au pic de laconstruction près de 8 000 personnes dont la moitié de non-français d’originesnationales, linguistiques, sociales et culturelles très diverses travaillaientsur ce chantier international géré selon les modèles organisationnels propresaux plus grandes entreprises multinationales.
Lacontribution développera, à partirde la description de situations de relations de travail observées del’intérieur en quoi et comment le jeu des acteurs infléchit les logiquesorganisationnelles internationales élaborées d’après des modèles virtuelsdéconnectés des pratiques et usages locaux. Elle présentera en particulier lesrésultats d’une enquête de terrain menée au sein d’un service qui assure l’interface entre lesreprésentants des entreprises de main d’œuvre internationale, basées dans lespays sources, les responsables des services du projet et les différentsservices administratifs des institutions calédoniennes en charge del’instruction des dossiers de demande de permis séjour et de travail despersonnels non-français. L’objet decette étude, menée en situation departicipation-observante, était d’analyser les savoir-faire spécifiquesdéployés par les agents océaniens employés au traitement de ces dossiers.Ceci été examiné d’un point de vuepragmatique - comment à partir decompétences plurilingues minimales, faites de bribes de langues d’appartenance,de français langue seconde et de notions plus ou moins poussées dans leslangues étrangères du projet, en particulier l’anglais, ces agents parviennent à créer une synergie interculturelledynamique qui contribue à créer des passerelles de compréhension entre lesautochtones et les allochtones engagés dans la réalisation du projet de KNS.
Adaptation v Acculturation : représentations des passerelles culturelles dans le domaine des droits fonciers des Aborigènes Noongar, Australie Occidentale
Virginie BERNARD
EHESS, Doctorante, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Ma communication portera sur les passerelles et emprunts culturels dans le domainedes droits et intérêts fonciers des Aborigènes Noongar. J’en étudierai lesreprésentations développées par les différents acteurs impliqués dans lesrevendications foncières autochtones dans le sud-ouest de l’AustralieOccidentale (Bennell v State of Western Australia).
A l’heure où le gouvernement australien conçoit des programmes pour tenter deremédier à la marginalisation des Aborigènes et les aider à deveniréconomiquement compétents et à s’autodéterminer, les processus juridiques derevendications foncières autochtones reposent sur les concepts de « tradition »et d’« authenticité ». Les Aborigènes doivent formellement prouver qu’ilsformaient une « société » unique au moment de la colonisation et la continuitéculturelle de cette « société traditionnelle » jusqu’à aujourd’hui.
L’Etat d’Australie Occidentale et l’Etat fédéral refusent toute idée de passerelles etd’emprunts culturels et envisagent ces notions comme des formesd’acculturation. Les Noongar, trop fortement impactés par la colonisation, neseraient plus de « vrais » ou « authentiques » Aborigènes et auraient perduleurs droits fonciers. Je m’attacherai à montrer comment cette approche estproblématique : elle fige la société Noongar au moment précis de l’acquisitionde la souveraineté par les Britanniques et par là-même la prive d’histoire.
Dans ce contexte, les Noongar revendiquent les transformations de leur « société »comme des adaptations culturelles. Plus qu’une stratégie de survie face à lacolonisation, la flexibilité de la « société » Noongar est présentée de façonendogène comme une caractéristique lui étant inhérente et permettant sarésilience. J’analyserai la façon dont cette représentation s’inscrit dans unprocessus de (re)construction identitaire, politique, économique, sociale ethistorique.
La pirogue, liens passés et présents entre Pacifique et Asie ?
Laura BOGANI
EHESS, Doctorante, membre du laboratoire Archipel
Yves LELOUP
Université Lyon I, Docteur en Histoire contemporaine, CRIS (Centre derecherches et d’innovations sur le sport) et Réseau Asie-Imasie
Au sein de la région Pacifique, la pirogue polynésienne est bien davantage qu'unesimple embarcation traditionnelle. Issue de la mémoire collective, son imagedemeure chargée de sens et de symbole. Outil de la conquête plurimillénaire del’Océan Pacifique depuis l’Asie du Sud-est, moyen de communication etd’échanges entre les archipels, elle incarne aujourd’hui des sensibilitésidentitaires et culturelles.
Parallèlement, en Asie, la culture de la pirogue est tout autant omniprésente. Outil de combat,de course, de pêche, ou de voyage initiatique, le bateau matérialisel’appropriation du territoire chez les populations sédentaires et nomadesd’Asie ; créant ainsi des liens, des routes, permettant de tisser un réseaud’échanges culturels et symboliques.
Depuis les années 1970, de grandes pirogues traditionnelles de voyage sontreconstituées pour valider les thèses de la conquête du Pacifique et vérifierles qualités hauturières de ces embarcations (Hokule’a, 1975 ; Spirit ofNuku-Hiva, 1975 ; Tahiti Nui, 1995). Au travers de l’expédition de la grandepirogue O Tahiti Nui Freedom qui, en 2010, rallie Tahiti à Shanghai,l'affrontement de la haute mer se donne à voir, tant comme modèle d'exploitmaritime, mais aussi comme révélateur d'identité et de sensibilitéscommunautaires.
En partant de la médiatisation de cet évènement hauturier entre Pacifique et Asie,cette étude se propose de comparer les cultures respectives liées aux piroguestraditionnelles, mais aussi de mettre en lumière les processus d’instrumentationde cet évènement : aspects identitaires, culturels, aspirations politiques etindépendantistes.
Les mimétismes en questions chez les Calédoniens d’origine européenne (Caldoches)
Benoît CARTERON
IPSA-Université Catholique de l’Ouest, Maître de conférences en ethnologie, Espace et Sociétés (ESO) Angers, UMR 6590
Estelle LABOUREUR
IPSA-Université Catholique de l’Ouest, Etudiante en master Développement territorial, Angers
EnNouvelle-Calédonie les passerelles culturelles existent de longue date, maiselles ont été faiblement reconnues et n’ont pas véritablement donné naissance àune « créolisation ». En dépit des métissages, les populations ont évolué demanière séparée. La suppression des inégalités juridiques après la secondeguerre mondiale n’ont pas non plus permis des rapprochements durables : unedissociation a continué de s’opérer entre pratiques de vie commune ethiérarchies tacites héritées de la période coloniale. La montée desrevendications kanak et son paroxysme durant les années 1980 ont ainsi révéléles clivages profonds s’opposant à ce que les passerelles culturelles sedoublent d’idéaux communs leur donnant une assise légitime.
La criseidentitaire depuis les années 1980 chez les descendants de colons européens a,entre-autres, conduit à valoriser l’ancrage dans le pays, la proximité et unecomplicité de longue date avec le monde kanak. Mais à une créolisation qui estle reflet d’un relatif isolement, de l’adaptation à l’environnement et deconditions de vie difficiles du passé, fait face aujourd’hui un discours sur lacréolité calédonienne emprunt de tendances assimilationnistes, illusions surl’harmonie des cultures, ou une sous-estimation des conflits de souverainetés.
Àtravers cette communication, il s’agira d’essayer de poser des critères qui,dans le contexte calédonien, permettraient de différencier une réalité de lacréolisation en marche d’un récit construit sur les passerelles culturelles,les mimétismes et la créolité qui, au contraire, prolongent la dominationfrançaise. Nous nous appuierons pour cela sur les propos recueillis auprès deCalédoniens d’origine européenne au cours de plusieurs enquêtes menées depuis2005.
Patrimoines et patrimonialisations
Céline Castets-Renard et Aurélie Condevaux
Le « patrimoine » et les processus depatrimonialisation occupent une place considérable dans les recherches actuelles,tous champs scientifiques confondus. Dans le Pacifique, où le thème a peut-êtresuscité un intérêt moindre d'un point de vue « académique », on note néanmoinsune montée des préoccupations pour la préservation des patrimoines et de ladiversité biologique et culturelle, comme en témoigne l'accroissementsignificatif du nombre d'éléments inscrits sur les listes du patrimoine del'UNESCO au cours des dernières années. Partant de l'idée que la question du «patrimoine » peut être un point de dialogue interdisciplinaire, cette sessions'adresse aux chercheurs de toutes les disciplines concernées par ce thème.Nous proposons de croiser les recherches qui s'intéressent à la gestion, laconservation et la valorisation des biens patrimoniaux (y compris ceux détenusdans les institutions muséales européennes et nord-américaines), aux études quis’attachent à comprendre les processus sociaux de fabrication du patrimoine etde construction du rapport au passé, afin de mettre en perspective approchesthéoriques et enjeux pratiques des patrimonialisations dans le Pacifique.
La patrimonialisation du corps dans le Pacifique
Guylène NICOLAS
Université de la NouvelleCalédonie, Maître de conférences HDR, Laboratoire de Recherches Juridique et Economique
Plus qu’ailleurs, le mécanisme depatrimonialisation est intéressant à étudier, pour le juriste, dans lePacifique car il accompagne la place primordiale laissée à la norme coutumière.La constitution d’un patrimoine commun pour les nations du Pacifique est untravail récent de construction d’une identité à la sortie des processus dedécolonisation dont certains, comme en Nouvelle-Calédonie, sont encore encours. Si construire un patrimoine sert à forger une identité, c’est que lepatrimoine est un lien entre l’héritage du passé et la transmission vers lefutur. Chacun inscrit alors dans son patrimoine, individuel et collectif, cequ’il est, par ce qu’il a reçu, et ce qu’il entend préserver de son identité,pour le prolonger dans sa descendance. En droit, ce mécanisme depatrimonialisation passe à la fois par une réflexion sur la propriété maisaussi sur le mécanisme d’appropriation. Il devient complexe car il peuts’exprimer à travers la propriété collective comme individuelle mais aussi, surles choses comme sur les personnes.
Le premier patrimoine qui est le nôtre,vecteur de vie, est notre corps. L’appropriation du corps et la dichotomiecorps/personne est le sujet d’une longue querelle doctrinale en droit français.Pour en sortir, il est devenu évident qu’il faut casser le carcan imposé par lecode civil, de moins en moins adapté aux évolutions biotechnologiques. L’étudedes coutumes océaniennes est alors d’un puissant recours. Elle permet deproposer un autre modèle où la norme (transcrite ici dans les coutumesséculaires) impose un rapport très différent entre le corps, la personne, legroupe et la nature. Dans de nombreuses coutumes océaniennes, le corps n’estpas la propriété de la personne mais celle de la famille. Si l’on doitreconnaître que l’on se trouve dans l’obligation d’utiliser un vocabulairejuridique qui n’est pas adapté, on peut toutefois dire que, pour un mélanésien,par exemple, la personne est dans la position de « locataire » de son corps.C’est du moins de cette façon que l’on peut interpréter juridiquement la penséede Jean-Marie Tjibaou : « [...] leflux vital qui ne m’appartient pas. C’est le sang, c’est la vie, mais c’est lavie qui me vient du totem de ma mère, du clan maternel qui circule en moi. Etje n’ai pas le droit de le dilapider [...] je dois l’honorer parce qu’il estmien, mais il ne m’appartient pas [...] je suis locataire en quelque sorte »(TJIBAOU J.-M., La Présence Kanak, Paris, O. Jacob, p. 108). Cette appréhensionparticulière du corps, et plus généralement de la vie, a un impact importantsur l’usage du corps. Ce dernier est le support de l’appartenance clanique etculturelle (par le tatouage ou la circoncision rituelle, par exemple). Mais ilsera aussi vecteur des tensions sociales comme le révèle le fonctionnement dela médecine traditionnelle. Le tradipraticien cherchera, d’abord, l’origined’une pathologie dans la violation d’un tabou ou dans l’existence de conflitsentre les groupes sociaux.
Ainsi, le corps a-t-il une place touteparticulière dans les cultures océaniennes où il porte les marques del’appartenance au groupe social. Il est, plus qu’ailleurs, le premierpatrimoine de l’homme, individuellement et collectivement, support de sa placedans le temps et dans l’espace.
La fonction patrimoniale enquestion : approche communicationnelle et langagière
Véronique REY
Aix Marseille Université, IUFM Aix-Marseille, Centre Norbert Elias (EHESS – CNRS, UMR 8562)
Christina ROMAIN
Aix Marseille Université, IUFM Aix-Marseille, Laboratoire Parole et Langage (CNRS UMR 7309)
Nous considérons une nouvelle fonction dulangage, la fonction patrimoniale. Comme l'indique Hutson (2008 : 17, 22), « lanarrativité s'est développée comme technique de survie » et « elle s'absorbe enmême temps que le langage ». La fonction patrimoniale, selon nous, repose surl’existence d'un patrimoine immatériel basé sur des textes patrimoniaux. Lestextes patrimoniaux sont un objet symbolique assurant la pérennité du groupe.Ces textes oraux ont une propriété fondamentale : ils sont appris par cœur ;ils sont d'ailleurs racontés, c'est-à-dire, contés de nouveau. À partir destravaux de Bühler (1934/2009), le linguiste Jakobson (1973) a conçu un modèlequi permet de réfléchir sur la communication langagière. Ces pratiques decommunication montrent la nécessité de pratiques énonciatives. Tomasello (2004)parle de coopération linguistique et ancre ces processus dans des pratiquesculturelles. Cohen (2006 : 74) précise également qu’il y a toujours dans unelangue donnée, au moins deux registres. La langue du quotidien et la « languedu dimanche » qui est une pratique ritualisée de la langue. Cohen rappellequ'il n'existe pas de société qui n'ait pas établi cette distinction. Ceregistre de langue (langue du dimanche) illustre la fonction patrimoniale dulangage et constitue un corpus imitable, stable, à la différence de la languede tous les jours, qui évolue constamment. Les études ethnolinguistiques ontlargement rendu compte des relations entre langue et culture, expliquant par ce fait la diversité despratiques sociales. Dès 1922, Malinowski a remarqué que les Trobriandaisfaisaient appel à des pratiques langagières spécifiques rattachées à leurspatrimoines culturels. Cette fonction patrimoniale du langage s'exprime par laprésence de textes patrimoniaux appris par cœur comme les épopées, les prières, les contes, lespoésies et les mythes. Nous voudrions montrer par ce détour anthropologique :1/ l’importance de la fonction patrimoniale dans les activités langagières ; 2/la rupture anthropologique présente dans la société française contemporaineprovoquée par la non-transmission orale de ces textes patrimoniaux engendrantun questionnement sur la mémoire verbale (Rey & al., 2013).
Vers un nouveau régime de patrimonialité ? « Patrimoine Culturel Immatériel » et tourisme à Tonga
Aurélie CONDEVAUX
Postdoctorante, Labex CAP (Création, Arts et Patrimoines), EIREST (Equipe Interdisciplinaire de Recherches sur le Tourisme), ATER Université de Poitiers.
La Convention pour la sauvegarde du PatrimoineCulturel Immatériel (PCI), adoptée en 2003 par la Conférence générale del'UNESCO, et entrée en vigueur en 2006, a été pensée comme un moyen de répondreaux critiques dont la Convention concernant la protection du PatrimoineMondial, culturel et naturel, signée en 1972, a fait l’objet. La Convention de2003, motivée notamment par la volonté de rééquilibrer les inégalités Nord-Sud,était fondée sur une remise en question des catégories qui fondaient jusque làle « champ patrimonial » – le beau, le rare, l'authentique – pourdes catégories moins « européanocentrées » (Maguet, 2011 : 47). Il nes'agissait plus de reproduire des pratiques à l'identique, mais d'assurer lesconditions permettant l'adaptation de celles-ci – leurs « re-créations »– par les générations futures. Pour décrire cette évolution, certains ontproposé de parler d'un « nouveau régime de patrimonialité » (Turgeon, 2011). Cedernier entraînerait notamment un changement d'attitude vis-à-vis de laquestion de l' « authenticité » et, de fait, de nouvelles manières d'envisagerla mise en tourisme du patrimoine.
Maguet (Frédéric). 2011. « L'image des communautés dans l'espacepublic », p.47-73 in Le patrimoineculturel immatériel. Enjeux d'une nouvelle catégorie / sous la direction deChiara Bortolotto. Paris : Éditions de la Maison des sciences de l'homme(Ethnologie de la France cahier 26).
Turgeon (Laurier). 2010. « Introduction. Du matériel à l’immatériel.Nouveaux défis, nouveaux enjeux». EthnologieFrançaise, 40 (3), p.389-399
Patrimoine mondial dans le Pacifique, exemple des projets de candidatures françaises : les îles Marquises et le Marae de Taputapuatea
Isabelle HURDUBAE
Ministère de la Culture
Malgré sa diversité, sa richesse culturelleet biologique extraordinaire, le Pacifique est la région la plus sousreprésentée sur la liste du patrimoine mondial.
Afin de réduire ce déséquilibre, unprogramme intitulé « patrimoine mondial Pacifique » a été mis en place dès 2003afin d’assurer la ratification de la Convention de 1972 concernant laprotection du patrimoine mondial culturel et naturel par l’ensemble des pays duPacifique, d’améliorer la représentation de cette région sur la liste dupatrimoine mondial et de renforcer les compétences des États en ce qui concernela mise en œuvre de la convention du patrimoine mondial.
Tout en restant l’une des régions les moinsreprésentées, manquant de moyens financiers, des progrès substantiels y ont étéréalisés avec l’inscription de 7 sites depuis 2008.
Lors de la 31e session du Comité dupatrimoine mondial qui a eu lieu en 2007 à Christchurch en Nouvelle-Zélande, leComité a invité les États parties du Pacifique à établir un nouveau pland’actions pour le Pacifique pour lapériode 2010 – 2015. Plusieurs ateliers se sont tenus depuis : en 2008 àCairns en Australie, en 2009 à Maupiti en Polynésie française et en 2010 à Apiaaux Samoa.
C’est dans ce contexte que les deux dossiersde candidatures françaises du Pacifique, les Marquises, inscrites sur la liste indicative de la France depuis1996 et le Marae de Taputapuatea, dont les premières ébauches datent de 1997,ont été relancés.
En octobre 2009 le gouvernement de Polynésiefrançaise a pris la décision officielle de mener à bien ces deux projetsd’inscriptions et mis en place une structure juridique composée d’un comité depilotage fédérateur des deux projets de candidatures.
Pour les îles Marquises un comité depilotage composé des Comités de gestion présidés par les maires des sixcommunes, coordonné par la Fédération Motu Haka s’appuie sur un conseilscientifique d’experts. Une campagne océanographique mise en œuvre par l’agencedes aires marines protégées a permis de révéler la richesse du patrimoinenaturel sous marin des îles Marquises. En octobre 2012 un séminaire techniqueréunissant des experts dans les domaines de la nature, de la culture ainsi quedes représentants du gouvernement, des administrations, des élus, des membresd’associations et des comités locaux a permis d’optimiser le volet scientifiqueet la qualité du dossier, de favoriser les échanges entre la communauté localeet la communauté scientifique autour des sites retenus ou envisagés de lasensibiliser aux enjeux d’une candidature UNESCO.
En ce qui concerne le Marae de Taputapuateaun comité de gestion, un conseil d’experts et un comité rédactionnel danslequel l’association Na Papa E Va’u joue un rôle de coordination suit le projetde candidature. Un séminaire technique associant autorités administratives,communautés et associations locales ainsi que des représentants des îles Cooket de Hawaï a été organisé en 2011 à Ra'iātea. Il a permis de présenter lesenjeux de gouvernance, d’examiner les différents points à aborder pour bâtir ledossier de candidature. Il a également porté sur l’aspect transnational du biendont la candidature pourrait être associée aux îles Cook ainsi que lesconditions d’association des communautés locales.
Valorisation des sites archéologiques et revendications identitaires sur les îles du Pacifique
Jeong-in CHOI
Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), Doctorante en Archéologie océanienne
Depuis les années 1960, 70, les communautésdu Pacifique ont développé un intérêt croissant pour la protection des sitesarchéologiques. La nécessité de préserver ce patrimoine fut d’abord ressentiesuite au constat de la colonisation qui conduisit par le passé à la destructionde nombreux sites ; aujourd’hui encore, ceux-ci restent menacés de destructionen raison de phénomènes d’urbanisation grandissants ainsi que de risquesnaturels propres à la région. L’intérêt d’une protection des sitesarchéologiques fut également renforcé par la montée de revendicationsidentitaires de la part des communautés locales.
Sur des territoires aux superficies aussilimitées que ceux des îles du Pacifique, la pression urbaine rend d’autant plusdifficile la tâche de préservation des sites. Certains sites ont été protégéset, parmi ceux-ci, certains ont été « sélectionnés » pour bénéficier de plansde conservation et de valorisation.
Nous verrons comment les questionsidentitaires, dont les formes et les objectifs varient selon les pays et lesacteurs, peuvent influer sur les modalités de protection et de valorisation dessites archéologiques. Au travers d’exemples pris dans différents pays de lazone Pacifique (Nouvelle Zélande, Polynésie française, Royaume de Tonga etVanuatu), nous tenterons de mettre en lumière les aspects mis davantage envaleur lorsque la protection et la valorisation des sites archéologiquess’articulent avec les différentes revendications identitaires de cescommunautés.
Archéologie, restauration de sites et salle patrimoniale à Hatiheu, accompagnement d’un projet local aux Marquises
Pierre OTTINO
IRD, Chargé de Recherche, Archéologue, UMR Paloc
Dans le cadre de la mise en valeur et de laprotection du patrimoine lithique marquisien, l’IRD, le Ministère de la Cultureet de la Communication, en partenariat avec l’Université Pierre et Marie Curie,et la participation du CIRAP (Centre International de Recherches Archéologiquessur la Polynésie), de l’Université de Polynésie française, ont, entre autres,permis la réalisation de deux grands moulages avec un matériau de très hauteperformance (silicone polyaddition) qui n’avait encore jamais été utilisé pourun estampage sur des pièces archéologiques.
Ces moulages (caractéristiques des deuxtypes fondamentaux de l’art lithique marquisien : pétroglyphes et tiki) sontexposés dans la salle patrimoniale de Hatiheu, ouverte en 2011. Cette sallerésulte de la volonté d’Yvonne Katupa (maire déléguée de Hatiheu, vallée aunord-est de l’île de NukuHiva) et des nombreux travaux d’études et de mise etvaleur de sites archéologiques, menés par l’IRD avec une part de la populationde Hatiheu, de l’île et d’autres personnes de l’archipel… Des institutionslocales, polynésiennes, nationales, ont également apporté leur concours, oupermis que ces opérations se réalisent, sans parler de personnes de passages,visiteurs ou résidents… qui ont apporté leur aide.
Ouverte en avril 2011, la salle patrimonialemanifeste la volonté locale de protéger, préserver et exposer dans un lieupublic, une part du patrimoine culturel de l’archipel. Elaborée avec peu demoyens financiers, cette salle est une belle traduction de cette volonté, ainsique de la constance et de l’énergie déployées depuis de nombreuses années. Cesqualités, reconnues lors de visites aussi nombreuses que variées(proportionnellement à l’accessibilité de l’archipel), ont fait la réputationde la vallée de Hatiheu et de la côte nord-est de NukuHiva. Elles ont permisson ouverture au monde extérieur, tout en préservant ses caractéristiques etune part de son âme. Avec la mise en valeur et restauration de sites de pleinair, cette salle complète, par un autre cadre et d’autres informationsdidactiques, ce qui est visible et sensible physiquement en extérieur. Siteextérieur et salle se renvoient ainsi l’un l’autre pour une meilleurecompréhension, valorisation et réappropriation de la culture marquisienne. Toutdeux participent, avec d’autres initiatives, à la volonté d’inscrire l’archipelau patrimoine mondial de l’humanité.
L’immatérialité comme facteur d’échec patrimonial : le cas du tatouage rituel samoan
Sébastien GALLIOT
Post-doctorant Labex « Créations, Arts et Patrimoines », LAHIC-IIAC
Dans le courant de l’année 2010, le tatouagesamoan a suscité l’intérêt du bureau régional de l’UNESCO basé à Apia (capitaleles Samoa) qui a commandé un rapport de consultance sur la question. Legouvernement Samoan n’étant alors pas signataire de la convention de sauvegardedu patrimoine immatériel, il était donc question de produire un documentdestiné à mettre en évidence le potentiel commercial et la valeur culturelle decette pratique dans le but implicite d’obtenir une future signature etd’initier explicitement des projets de développement autour d’industriescréatives dont les experts tatoueurs seraient les mentors et les partenaires.
En dépit de la conformité de cette pratiqueavec les critères (de processus culturel, de dynamisme, d’art vivant etimplicitement son caractère spectaculaire) retenus par l’UNESCO pour ladéfinition du patrimoine culturel immatériel (PCI), la patrimonialisation dutatouage samoan constitue en réalité un véritable défi puisqu’il s’agit d’unepratique transnationale dont les éléments visuels et la structuration en réseaurendent difficile l’identification, l’inventaire et la qualification en termede PCI.
En passant d’un paradigme du « monumental » à un paradigme del’expression culturelle, la politique patrimoniale de l’UNESCO se trouveconfrontée à une transformation radicale des modalités de mise en patrimoinequi, dans le cas du PCI, ne se réduisent plus simplement à la conservation d’unobjet culturel dans un état donné à un moment donné de son histoire maiss’appuie sur la notion de communauté dans des contextes socio-culturelsdiversifiés et changeants. Ma communication abordera la question de l’échecpatrimonial en examinant les cadres culturels de la transmission du tatouagerituel samoan et sa dimension transnationale.
La protection juridique du patrimoine de la Nouvelle-Calédonie : une réglementation éparse et incomplète en cours d’évolution
Céline CASTETS-RENARD
Université Toulouse Capitole, Professeurde droit privé, IRDEIC (Institut de Recherche en Droit européen, internationalet comparé), Centre d’excellence Jean Monnet
Cette contribution propose de faire le pointsur la réglementation du patrimoine de la Nouvelle-Calédonie. Le droit dupatrimoine fait l’objet d’un éclatement des compétences, même si la compétenceprincipale est détenue par les Provinces. Chacune des Provinces a donc adoptédes règles pour protéger le patrimoine culturel et naturel, ce qui entraîne unedisparition des normes et révèle aussi des conceptions différentes dupatrimoine. Quoi qu’il en soit, le patrimoine immatériel ne semble passuffisamment protégé, de même que les collections des musées notamment. Uncolloque s’est tenu sur ce thème en 2012 à l’Université de laNouvelle-Calédonie (UNC) (direction scientifique C. Castets-Renard et G.Nicolas) et les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience des lacunes dela réglementation. En effet, le Conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonies’est auto-saisi afin de mener une étude sur cette question, avec l’aide desuniversitaires juristes de l’UNC. Le but est naturellement de faire desrecommandations pour améliorer la protection, objectif d’une actualité brulantecar des œuvres des collections du Musée de la Nouvelle-Calédonie doiventcirculer pour être présentées lors de l’exposition « L’art est une parole »,(oct. 2013-janv. 2014) sous la direction d’Emmanuel Kasarhérou, chargé de missionà l’Outre-mer au musée du quai Branly et Roger Boulay, ethnologue, spécialistedu patrimoine kanak. La protection juridique du patrimoine deNouvelle-Calédonie est donc une question majeure à l’heure actuelle qui méritetoute l’attention des chercheurs, au-delà des seuls juristes.
Les savants kanak face à la collecte du patrimoine immatériel : un engagement sous conditions.
Manon CAPO
EHESS, Doctorante à l’IRIS, encodirection au LACITO, CNRS
Ma contribution portera sur le processus depatrimonialisation des savoirs claniques que j’ai pu observer à l’œuvre sur monterrain de recherche doctorale à Bayes (Nouvelle-Calédonie, région de languepaicî). Plus précisément, mon analyse se concentre sur la phase initiale de ceprocessus, celle de la collecte institutionnelle de ces savoirs auprès desvillageois qui les détiennent. Il s’agit d’analyser comment les modalités de lacollecte, et, surtout, ce qui la complique, révèlent des conceptions différenciéesdu patrimoine entre les divers acteurs engagés en interaction dans leprocessus.
Etant moi-même à la recherche d’histoiresfamiliales attachées à des segments de clans de Bayes, la problématique s’estd’emblée posée en termes de patrimoine. En effet, ces histoires concernent lespatrimoines provenant des ancêtres, qu’ils soient matériels (objets, terres,documents) ou immatériels (statuts, alliances, pouvoirs ‘magiques’). Et,relevant du « trésor du clan » (aamwârî en paicî), elles sont gardées exclusivementà l’intérieur du groupe familial par un détenteur unique.
Ces pans des patrimoines familiauxintéressent au plus haut point les institutions engagées de concert dans lacollecte du patrimoine immatériel kanak, à savoir l’Agence pour le Développementde la Culture Kanak (ADCK) et le Conseil Coutumier Paicî-Camuki. La premièreentend créer des archives kanak afin de sauvegarder des savoirs claniquesconsidérés comme menacés, tandis que le second compte s’appuyer sur eux pourrestructurer l’organisation politique des communautés kanak ou « tribus ».
Conscients de la charge importante de cessavoirs en milieu villageois, les organisateurs du programme depatrimonialisation ont sélectionné et formé des collecteurs du patrimoine etmis sur pied un protocole de collecte sur mesure, hors du cadre de l’UNESCO.Malgré ces précautions, l’engagement des détenteurs de savoirs n’est pas uneévidence. Collecteurs et « personnes-ressources » s’approprient diversement leprotocole institutionnel, en mettant en avant leurs propres visions de lapropriété intellectuelle et des rôles assignés aux patrimoines familiaux.
Ma contribution visera à appréhender lacomplexité de ces chassé-croisé, observés in situ à Bayes, où les diversacteurs de la patrimonialisation des savoirs claniques, négocient lacompatibilité de leurs conceptions.
Retour d’une collection kanak : quelques réflexions à propos des narrations évoquées par les objets
Anna PAINI
Università di Verona
Dans le débat contemporain sur la questionde la restitution des biens culturels, la proposition des Kanak, développéeautour du concept d’"Objets ambassadeurs", est sans doute déroutante.Considérant les objets du patrimoine kanak dispersé dans les collections des muséesdu monde entier comme les ambassadeurs de la culture kanak, cette perspective apermis de s’éloigner, non sans tensions, de la logique de la restitution et d’entamerun dialogue fructueux avec certains musées européens, comme le musée du QuaiBranly et le musée d’ethnographie de Genève. Cette vision se focalise plutôt surles connexions et les relations culturelles, que sur la valorisationd’appartenances exclusives et essentialistes.
Cependant, il arrive que certains objetsrentrent au pays par d’autres chemins. C’est le cas de la collection Hadfield donnéeau Musée de Nouvelle-Calédonie (MNC)en 2009 par les descendants du couplemissionnaire qui a passé 35 ans, à partir des années 1880, aux Îles Loyauté,notamment à Lifou. À la demande du MNC, qui doutait de la provenance de deux nattesfines de la collection, entre 2010 et 2012 j’ai mené une enquête de terrain àLifou pour documenter les objets féminins, tels que nattes et sacs.
En se penchant sur les représentations etles narrations associées aux objets anciens tressés proposées par mesinterlocutrices de Lifou, cette communication ne cherche pas à retracer lepassé, mais s’intéresse plutôt aux permanences et aux transformations desobjets au cours du temps, à leurs parcours de vie et aux relations que lessouvenirs redéployent. Les femmes interviewées étaient fières de me montrer laqualité du travail de tressage de leurs grands-mères. Pour elles, l’enjeun’était pas le retour de la collection (pour le moment à Nouméa et dans lefutur à Lifou), mais l’histoire évoquée par les objets tressés, la constructiondu rapport à leur propre passé, ainsi que la représentation des objets desfemmes de Lifou déposés au MNC.
Le Pacifique « hors les murs » : un patrimoine océanien méconnu en Picardie
Louise DESSAIVRE
Université de la Picardie-Jules-Verne, Conservateur général
Viviane FAYAUD
Chercheur associé Centred’histoire des sociétés, des sciences, des conflits, Université Picardie JulesVerne, Amiens (EA 4289) et du Centre d’Histoire Culturelle des SociétésContemporaines, Université de Versailles-Saint-Quentin
« Somewhere between the landing at Anzac and theend of the battle of the Somme, New Zealand very definitively became anation » Ormond Burton (1893-1974 ; professeur, ministre et pacifiste)
Le patrimoine, au-delà de la variété de sescontenus (foncier, environnemental, financier, linguistique, culturel voiregastronomique) et de ses titulaires, est une notion qui souligne la valeurexceptionnelle de la ressource concernée. Relèvent de facto du patrimoine leslieux historiques sacralisés par la souffrance et le sang, objets en outre d’undevoir de mémoire.
Ainsi, dès 1919 des pèlerins se rendent surles tombes des combattants de la Grande Guerre (le rapatriement des corps étaitalors impossible), alors qu’édiles et gouvernements érigent des monuments auxmorts et des mémoriaux, offrent des ex-votos, et célèbrent des cérémoniescommémoratives. Sur le Front occidental de la Première Guerre mondiale, lesacrifice de 60 000 Australiens, 12 483 Néo-Zélandais, 2 300 Néo-Calédoniens oude 9 00 Tahitiens, a conduit les îles et pays du Pacifique à se constituer unpatrimoine de monuments, lieux, objets, rehaussé de cérémonies patriotiques etd’espaces symboliques. Ainsi, l’Australie vient de consacrer 10 millions dedollars australiens pour la construction d’un « Chemin de mémoire australien »courant sur le Front occidental, et la Nouvelle-Zélande est en coursd’élaboration du sien.
Cet ensemble patrimonial hors du Pacifiqueméconnu voire inconnu sert d’écrin à un patrimoine immatériel sans égal : celuide la naissance de la nation. Sa description a pour objet de le cerner pourréfléchir aux usages politiques du passé et à la notion de patrimoine commediscours de la construction identitaire.
Se dire en images aujourd’hui en Océanie
Jessica De Largy Healy et Marie Salaün
La démocratisation de l’accès auxtechnologies numériques depuis deux décennies s’est accompagnée d’unemultiplication des outils permettant de produire des images (caméra vidéo,téléphone portable, webcam, appareil photo numérique, etc.) et de les diffuser.Fait remarquable, partout en Océanie, les populations se sont approprié cesmoyens d’expression, revendiquant désormais la possibilité de produire,transmettre ou partager des représentations d’elles-mêmes. Documentaires, filmsmilitants, fictions, clips musicaux, groupes d’intérêt sur Facebook, blogs,etc., on assiste sur internet et dans les festivals à une démultiplication desnarrations de soi par l’image.
Si certaines de ces productions restentrelativement confidentielles, d’autres obtiennent des prix dans des festivalsprestigieux ou touchent des millions de personnes sur Youtube, donnant à voir àdes publics toujours plus larges des situations, des façons d’être, des visionsdu monde, des sensibilités, qui, jusqu’à récemment, n’étaient accessibles qu’àtravers la médiation des anthropologues ou des reporters.
Les contributions à cette session –qui s'appuieront elles-mêmes sur des images – pourraient s’inscrire dansl’un ou plusieurs des questionnements suivants :
- Qui s’exprime par l’image aujourd’hui enOcéanie ? Que choisit-on de montrer de soi ? Pour quelle audience ? Dans quelbut ? Avec quels résultats ?
- En quoi l’appropriation de ces nouveauxoutils favorise-t-elle la création ? En quoi la façonne-t-elle ? Assiste-t-on àl’émergence de nouvelles formes narratives ?
- En quoi la production de ces images, en tantque nouvelle technologie de l’intellect, induit-elle un changement du regardsur soi et sur le monde extérieur ?
- En quoi les outils désormais disponibles,mis au service des apprentissages, peuvent-ils démocratiser l’accès aux savoirs?
- En quoi ces nouveaux supports visuelsreconfigurent-ils les modes de transmission à l’intérieur des communautés ?
« Vanuatu Paradise »: la fin d'une illusion ? Les clips reggae à Port-Vila (Vanuatu) : outils de revendications politiques
Monika STERN
CNRS, Chargée de Recherche, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Leslie VANDEPUTTE-TAVO
EHESS, Doctorante, CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Depuis l’indépendance en 1980, lesorganismes officiels du Vanuatu (dans les domaines du tourisme, de la culture,de la communication, etc.) diffusent régulièrement des images paradisiaques dupays où « rien ne semble avoir bougé, ou presque … » représentant les habitantscomme « restés profondément attachés à leur culture » (http://www.vanuatuparadise.com). Avecla création de la télévision nationale en 1991, la fin de la décennie a vul’apparition des clips de musique. Majoritairement de groupes de string band(genre chanté acoustique accompagné par des instruments à cordes et despercussions), où les images des clips contribuent fortement à véhiculer unereprésentation d’Éden.
Avec l’introduction et le développement dela musique reggae dans l’archipel (à la fin des années 1990 et au début desannées 2000), les musiques, les paroles ainsi que les clips apportentaujourd’hui un regard inédit sur le pays et sont considérés comme un nouveaumoyen d’expression par les « jeunes » musiciens urbains. Depuis l’édition 2011du Fest’Napuan (le festival national annuel de musiques urbaines) dont le thèmeétait « agensem korapsen » (en pidgin bislama, « contre la corruption »),plusieurs groupes de reggae ont mis en musique et en images, des problèmes politiqueset de société à travers des clips, contrastant ainsi avec ceux diffusés par desstring bands ou des spots publicitaires. Les clips permettent ainsi de mettreen scène et de visualiser des problématiques jusque-là pas ou peu abordées parles médias.
Dans cette présentation, nous souhaitonsexaminer l’utilisation du clip reggae comme outil de revendication politique. Àqui s’adressent les musiciens et dans quel but ? Quels moyens technologiquesutilisent-ils ? Comment se représentent-ils et se mettent-ils en scène ?L’expression politique de ces musiciens à travers le clip a-t-elle uneinfluence sur la société ? À partir d’extraits de vidéoclips, nous essaieronsde montrer la particularité des images représentées par le répertoire reggae encomparant avec d’autres vidéos (de string band notamment) et filmspublicitaires sur le Vanuatu.
La mise en image de la musique kaneka sur le web : son inscription au sein du processus d’autoreprésentation kanak
Léonie MARIN
Université Paris 8, CEMTI
En Nouvelle-Calédonie, c’est dans lecontexte mouvementé des années 1980, peu avant les accords de Matignon-Oudinot,que nait le kaneka. Ce style de musique, fortement inspiré du reggae jamaïcainet, dans une moindre mesure, d’autres genres musicaux afro-américains (jazz,blues, rythm-and-blues, etc), puise également ses sources dans les rythmestraditionnels mélanésiens. Pour cette musique, le choix du reggae et du bluesprovient du fait que ces styles se sont développés dans un contexte de «lutte»contre l’«oppresseur occidental». Le positionnement exprimé dans les paroles denombreux morceaux musicaux illustre l’importance de la liberté, une substancesymbolique du phénomène de résistance, pour penser l’émancipation du peuple. Deplus, la dimension musicale du kaneka renforce également les messages dereconnaissance, édifiant un lien identitaire.
Ce genre de pratiques culturelles se substitueet/ou accompagne des formes d’engagement militant, c’est-à-dire que les formesd’expression de l’engagement politique se diversifient, deviennent moinsformelles et institutionnalisées. Ce changement se reflète notamment dans lesformes d’expression promues par les vidéoclips souvent réalisés de manièreautodidacte. L'éveil d'une subjectivité expressive notamment au travers du Websemble contribuer au processus d’auto-représentation. Nous cherchons donc ici àcomprendre le sens qu’il peut être donné à ce nouveau type de représentationvisuelle sur le Web.
Des éléments de réponse seront donnés àtravers une méthodologie issue de l’anthropologie du numérique (entre terrainnumérique et in situ) des différentes vidéos web dédiées au kaneka et diffuséessur des plates-formes telles que Youtube et Dailymotion. Ces vidéos forment, enréalité, un système documentaire dont il est possible d'analyser tant lescontenus sémantiques, les paroles que les interactions médiatisées qui lesaccompagnent. Ces trois types de traces numériques doivent être considéréssimultanément afin de rendre compte des logiques induites par le dispositifsociotechnique qu'est le Web.
Les Yolngu et la culture du partage sur internet
Jessica DE LARGY HEALY
Musée du quai Branly, Chargée dela recherche, Département de la recherche et de l’enseignement, associée au CREDO (AMU-CNRS-EHESS, UMR7308)
Depuis quelques années déjà, plusieursgroupes aborigènes des régions isolées du nord et du centre de l’Australie ontcommencé à publier des vidéos en ligne sur des sites de partage de contenus tel Youtube. Mettant principalement en scène des événements de la vie de leurcommunauté – cérémonies, festivals, compétitions sportives, campagnespolitiques – les vidéastes, parfois formés par des professionnels del’image dans le cadre de programmes institutionnels ou de projets artistiquescollaboratifs, réalisent aussi des clips musicaux, des web documentaires et descourts métrages expérimentaux aux sujets et à l’esthétique singulière. Danscette communication, je montrerai comment les Yolngu de la Terre d’Arnhem sesont saisis d’interfaces en ligne pour présenter à une audience globale desimages choisies de leur culture. Partant de l’analyse d’un phénomène internetde 2007, la vidéo virale d’une danse comique appelée « Zorba the Greek Yolngustyle », j’examinerai les façons dont ces pratiques audiovisuelles donnent lieuà de nouvelles formes autoproduites de visibilité publique. En m’attachant auxressorts narratifs de plusieurs courts-métrages publiés sur la chaine Youtubed’un centre de production de média yolngu, je m’intéresserai plusparticulièrement aux choix des éléments culturels mis en valeur dans cescréations visuelles à visée globale.
Quand autochtonie rime avec cartographie : la plateforme Qhénélo de la mairie de Yaté, une vision politique de la transmission des savoirs sur l’espace en Nouvelle-Calédonie?
Claire LEVACHER
EHESS, Doctorante, IRIS
La plateforme Qhénélo de la mairie de Yaté,commune du sud de la Nouvelle-Calédonie, est un volet du nouveau site de lamairie qui procède à une forme de cartographie des savoirs sur l’espace de lacommune. À la fois, lieu de stockage de données concernant l’environnement -lesimpacts de la mine à ciel ouvert, proche et de l’usine de transformation dunickel de la commune voisine-, de documents, de paroles et de cartes, elle viseà géolocaliser les connaissances scientifiques, savoirs locaux et observationsimmédiates faites sur l’environnement proche de chacun des administrés de lacommune. Depuis 5 ans, elle estutilisée et alimentée par les différents administrateurs de la commune afin demettre en place une cartographie participative des savoirs locaux, tant surl’environnement, que sur les luttes qui y sont liés, ou les récits et lamémoire de la commune. Son but à terme vise à la fois une meilleurecommunication entre les différents acteurs de la commune, mais aussi la transmissionde formes de savoirs sur l’espace et l’environnement qui mêlent définition etrécits traditionnels de la signification et de la valeur des lieux etconnaissances scientifiques à tous les administrés de la commune, les premiersconcernés étant les enfants.
À partir d’images et de cartographiesextraites de la plate-forme nous nous proposons d’interroger l’importance desnouvelles technologies dans la redéfinition des modes de transmission oraux desavoirs dits traditionnels sur la valeur de certains lieux et en quoi la miseen œuvre d’une telle plate-forme par la mairie de la commune reflète unevolonté de mesurer le changement social tout en ancrant l’histoire de lacommune dans l’espace cartographié. Ces dimensions paraissent d’autant plusimportantes qu’elles supposent une redéfinition de ce qui est transmis, àquelle période de la vie et dans quelles conditions. Cette nouvelle manière deformuler le fait d’être kanak et autochtone, tant à travers la cartographie,qu’à travers le stockage de données historiques et actuelles sur la commune,mérite d’autant plus d’être interrogée qu’elle est à l’initiative de lapremière équipe municipale de Nouvelle-Calédonie à s’être réclamé du droitautochtone international et de la Déclaration sur les droits de peuplesautochtones de 2007.
Pratiques curatoriales et cyber-narrations autour de l’art contemporain autochtone
Géraldine LE ROUX
Université de Tours
Ces dernières années ont vu conjointementune plus grande intégration d’artistes autochtones dans les expositions d’artcontemporain et la multiplication de manifestations spécialement dédiées à cemouvement, « Sakahān. L’art indigène international » du musée des Beaux-arts du Canadaétant le plus récent exemple. Toutefois, il convient de considérer l’évolutionde ces modalités d’intégration sous l’effet des stratégies déployées par lesartistes pour faire entendre les valeurs propres à leurs communautés. Comme l’aécrit Jolene Rickard (1995), il est révélateur de considérer « le travail desartistes autochtones (…) à travers les lentilles éclairantes de la souverainetéet de l’autodétermination, plutôt qu’uniquement selon les critères del’assimilation, de la colonisation et de la politique de l’identité ». Jem’intéresse à la manière dont dans un cadre public - d’expositions et desymposiums - les artistes articulent à leurs œuvres des pratiques performativesvisant à créer des effets d’ordre émotionnel sur les spectateurs. Discours enlangue vernaculaire, chants entonnés, danses collectives avec les spectateurs,projection de vidéos et organisation de pré-vernissage pour la communautélocale sont quelques-unes des formes déployées pour mettre les spectateurs enprésence des valeurs et des modes d’apprentissage propres aux groupesautochtones. Le recours à ces pratiques n’aurait pas pour but une remise enquestion radicale de l’institution muséale mais, au contraire, sonindigénisation. La création d’expositions transnationales sur internet et deforums en ligne fait également partie des stratégies liées à cette démarche desubversion de l’espace muséal et de son ouverture aux communautés autochtones.L’analyse de la dimension symbolique de ces pratiques numériques permettra dediscuter de la maîtrise de ces « images » par les artistes et leurscommunautés. Il s’agira de voir comment au sein de l’espace muséal descréateurs franchissent, expérimentent, interrogent et négocient les modesrelationnels encadrant la présentation et l’explication des œuvres d’art.
Transversalités océaniques sur le web : du Pacifique à l’Atlantique
Barbara GLOWCZEWSKI
CNRS, Directrice de Recherche, LAS
Suite à une campagne sur facebook, Maori TVest venu tourner un documentaire de soutien chez un groupe de Guarani kaiowa duBrésil en 2013. Suite à la diffusion du film, un député maori est intervenu auparlement afin que le gouvernementde Nouvelle-Zélande rompe les relations diplomatiques avec le Brésil pourrésoudre la situation des Guarani. Dans un programme de formation d’enseignants indiens guarani, xoklang etkaingang à l’université Fédérale de Santa Catarina, des films aborigènesréalisés en Australie sur leur histoire (Babakiueria, 1986, Rabbit Proof Fence2002) et leurs nombreux clips en ligne (tel Ngurra-kurlu, 2008) montrantl'expression créative de leur cosmologie et de leurs revendications – ontsuscité des débats aussi anthropologiques que politiques, notamment avec lavenue de Max Lenoy, professeur aborigène en éducation et nouvelles technologies à l’UniversitéJames Cook de Townsville (http://www-public.jcu.edu.au/education/staff/ JCUPRD_032986).Seront discutées la production et la réception de films autochtones d'Océaniedans un contexte de réception transnationale.
Rôle et impact de l’humour et de la légèreté dans la comédie musicale Bran Nue Dae de Rachel Perkins
Estelle CASTRO
Laboratoire International Associé(LIA) « TransOceanik : Interactive research, mapping, and creative agency inthe Pacific, the Indian Ocean and the Atlantic », LAS-CNRS/James Cook University-Cairns Institute
Adaptation d’une comédie musicale de JimmyChi qui attira plus de 200 000 spectateurs dans les années 1990, le filmBran Nue Dae (2010) de Rachel Perkins fut un succès en Australie. Certainsspectateurs australiens considérèrent qu’il s’agissait d’un film « dont onavait besoin ». En Australie comme en France, l’humour utilisé pour aborder «des événements sociaux et politiques », « des choses graves », « des questionsde fond » et des « thèmes dramatiques » comme le génocide ou le déplacement despopulations aborigènes de leurs terres, fut apprécié par de nombreux spectateurs.Cette communication s’interrogera sur le rôle et l’effet de la légèreté et del’humour dans Bran Nue Dae. Les choix opérés par la mise en scène de laréalisatrice de One Night The Moon et de Radiance seront étudiés au regard dutexte original de Jimmy Chi et de réponses de spectateurs à des questionnairessur le film aux Rencontres internationales du cinéma des Antipodes deSaint-Tropez et au Festival de Cinéma Rochefort-Pacifique. Afin d’éclairer cesréponses, j’analyserai comment différentes grilles de lecture et desconnaissances plus ou moins développées du contexte aborigène australien ont puconditionner l’interprétation de cette comédie musicale, et l’intérêt despectateurs pour des thèmes comme le métissage, « le problème des filiationsillégitimes », ou la dénonciation des clichés. Je me demanderai quels lienscette adaptation cinématographique a pu conserver avec le contextesociopolitique de production de la pièce, et quels liens elle a cherché àétablir avec le contexte sociopolitique de la diffusion du film, notamment parla stratégie d’inclusion de pratiques performatives émanant de groupes etartistes aborigènes de différentes parties de l’Australie et de renomméenationale voire internationale (les Chooky Dancers, Jessica Mauboy, Deborah Mailman).
Le retour du sauvage : réflexions sur l’« anthropologie inversée »
Eric WITTERSHEIM
EHESS, Maître de conférences, IRIS
« Chaque époque et chaque société recrée sespropres Autres », écrivait Edward Saïd. Depuis quelques années, le sauvagerevient à la mode, mais moins dans le champ intellectuel que sur les écrans detélévision et de cinéma. Sous couvert d' « anthropologie inversée », desémissions télévisées - de la téléréalité aux documentaires savants - nousvendent du sauvage à foison, un sauvage tour à tour noble ou ignoble. Loind'offrir, comme elles le prétendent souvent, un regard décalé et encore moinsleur regard à « eux » sur « nous », ces représentations contribuent àentretenir l'idée que c'est toujours « l'Autre », dans toute son étrangeétrangeté, qui est digne de notre curiosité. Nous examinerons certaines de cesnouvelles mises en scènes du sauvage à l'aune du discours critique formulé pardes penseurs océaniens contemporains (E. Hau'Ofa, T. Kabutaulaka, J.-M.Tjibaou...).